Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

26 mars 2012

Transport par câble - le retour

Liaison par câble vers le Vercors

Grenoble-Alpes Métropole annonce la réalisation d’une liaison par câble vers le plateau du Vercors.

Fin décembre 2011 nous avons enterré le projet de liaison par câble entre Crolles et Brignoud.

Que penser de ce projet pour le Vercors, sachant que chat échaudé craint l’eau froide et que citoyen lucide et vigilant vérifie les promesses d’élus ?

Je suis peu sensible à la rhétorique pompeuse glorifiant ce véritable trait d’union entre le Vercors et l’agglomération grenobloise, entre la montagne et la vallée (…) cette innovation qui s’inscrit dans la logique nécessaire d’une adaptation des aires urbaines à une société post carbone et étoffe les options de déplacements proposées aux citoyens dans le cadre du projet politique de l’agglomération : une agglomération solidaire, une agglomération nature et une agglomération innovante.

grenoble,transport par câble

Avec son tracé direct de 10 km entre Lans en Vercors et Fontaine, en correspondance avec le tram, la liaison du Vercors est assez longue pour présenter une réelle alternative à la voiture, ce qui n’était pas le cas sur Crolles – Brignoud où les inconvénients de la rupture de charge étaient rédhibitoires pour un trajet de 2 km.

Pour aller plus loin dans l’analyse, le mieux est de partir des chiffres, en appréciant ce projet au regard d’autres opérations de même nature. Voici quelques données publiques :

 

Tracé et date de mise en service

Longueur

Coût d’investissement

Trafic attendu

Crolles – Brignoud / projet avorté car inintéressant au regard d’un simple pont

Entre 2 et 3,5 km selon les tracés

10 à 19 M€

880 à 1200 / j

Fontaine – Lans en Vercors / mise en service en 2014 ?

10 km

50 M€

3000 / j

Vanoise Express / une belle référence de Poma, le plus gros téléphérique du monde - 2003

 

2 km

16 M€, pour 2 téléphériques en parallèle et indépendants

Cabine de 200 places, capacité de 2000 p / h

Arménie, Halidzor – Tatev / le plus grand téléphérique du monde, 2010

5,7 km

13 M€

-

Tram E, Grenoble – Le Fontanil / chantier en cours - 2014

11,5 km

300 M€

45 000 / j

Pour la liaison du Vercors, il faut observer l’extrême prudence de la Métro qui n’affiche ni le coût, ni le trafic attendu. Elle se contente d’indiquer la situation existante : trafic pendulaire entre le Vercors et la vallée : 9 000 véhicules jours. 60 % des actifs de Lans travaillent dans l’agglomération grenobloise. 1700 personnes utilisent les transports en commun.

Le chiffre de 50 M€ pour le coût d’investissement provient du Dauphiné Libéré du 23 mars 2012. Il n’engage donc personne, mais je le retiens pour la comparaison car il me paraît crédible vu Vanoise Express qui est bien réel.

Pour le trafic, on peut parier sur l’amélioration de la fréquentation par rapport aux bus actuels, d’où l’objectif de 3000 usagers / jour.

Les coûts annoncés, 5 M€ / km, sont quasi identiques entre Crolles – Brignoud et Fontaine – Lans en Vercors. Pour le Vercors, le tracé est plus simple (une seule ligne avec une gare intermédiaire, alors qu’il était envisagé deux branches pour Crolles), et le cout des gares amorti sur une plus grande longueur qu’à Crolles – Brignoud.

Les couts estimés par km étant identiques sur les deux liaisons, alors que le cout unitaire devrait être supérieur pour la ligne la plus courte, je pense que le cout de Crolles – Brignoud a été quelque peu sous-estimé.

Le téléphérique arménien est annoncé comme moins couteux, 3,4 M€ / km, mais il s’agit d’une installation à vocation touristique (et non d’une véritable infrastructure de transport en commun) construite dans un pays où les salaires moyens sont de l’ordre de 230 € / mois à fin 2011.

Les objectifs en nombre de voyageurs sur le transport par câble du Vercors sont ambitieux, mais réalistes si le prix des carburants se maintient à un niveau très élevé et si la Métro poursuit une politique d’aménagement peu accueillante aux véhicules individuels.

L’investissement par client potentiel / j est de l’ordre de 15 k€ pour les deux liaisons par câble. Il est moitié moindre pour le tram E : 7 k€, alors que les lignes ont des longueurs de même ordre.

Concernant le coût par voyageur transporté, l’écart de 1 à 2 n’a rien de scandaleux. La desserte des zones rurales est plus couteuse que celle des zones urbaines. Les habitants de la vallée bénéficieront aussi d’un accès plus facile au Vercors.

Pour l’impact paysager … nous sommes en ville et accoutumés des remontées mécaniques. Si le prix à payer pour se désintoxiquer de la voiture est de voir des pylônes, et bien, va pour les pylônes.

Hélas, cette liaison du Vercors n’échappe pas au soupçon du clientélisme et de l’aménagement politicien. Il s’agit du cadeau de bienvenue dans la Métro offert aux communes du plateau du Vercors. On a vu pire. Et ce motif peu louable n’enlève rien aux qualités intrinsèques du projet.

grenoble,transport par câble   Si la liaison du Vercors est réalisée, elle pourra être inscrite au livre des records, rubrique « plus grand téléphérique du monde ». C’est la principale réserve que je retiens sur ce projet : nous n’avons pas d’expérience d’une ligne aussi longue. Un trajet quotidien de 30 minutes impose d’aménager des cabines, avec sièges et chauffage, sans se contenter de la simple copie de nos télécabines de sport d’hiver.

Vu la longueur de la ligne, la faisabilité n’est pas établie. Mais, les ingénieurs de Poma feront des prouesses !

En conclusion, au vu des informations publiques disponibles, nous avons enfin un projet de transport par câble qui tient la route et qui devrait répondre positivement à l’intérêt général.

Un dernier mot, comme la Métro se veut innovante. J’espère que les élus auront l’intelligence et le courage d’éviter tout simulacre de mise en concurrencedont le seul but serait de feindre de respecter les bonnes règles de l’économie de marché. A Grenoble, nous avons Poma et Poma construit des téléphériques. Autant le dire tout de suite, ne soyons ni des intégristes, ni des faux-culs de la concurrence.

Si, pour cette liaison du Vercors, la Métro renonçait ostensiblement à la concurrence, elle rendrait un fier service à la société !

Francis Odier, 26 mars 2012

Sources: 

Liaison par cable vers le Vercors - dossier de presse.pdf

Communiqué de presse AFP sur téléphérique Arménie.pdf

Liaison Brignoud-Crolles_Reunion publique 15 dec 2011_def.pdf

 

16 décembre 2011

Liaison Crolles - Brignoud : le câble est enterré

Le câble est enterré.

Il pourra transporter du courant électrique, mais pour les cycles et les piétons, il faudra construire une passerelle. C’est le retour en 2001, au moment où l’équipe municipale de Crolles décidait d’engager « un vaste programme de pistes cyclables sur la commune ». Le journal municipal publiait alors une carte avec les différents itinéraires envisagés pour une liaison piétons – cycles entre Crolles et Brignoud.

Telle est la conclusion, implicite mais néanmoins limpide, à laquelle est parvenue la réunion de concertation organisée le 15 décembre 2011 à l’Espace Aragon.

Sur environ 150 à 200 personnes présentes, nous avons eu deux témoignages en faveur  du câble. Un vice-président  de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Grenoble a indiqué, en se tournant vers François Brottes, que « votre projet » fait partie de ceux dont l’Isère a besoin pour résoudre les problèmes d’embouteillage et pour dynamiser l’économie. L’avocat de Poma, après s’être présenté comme « expert judiciaire » ce qui n’était pas la meilleure approche pour exprimer son empathie avec les habitants de Brignoud et de Crolles, a tenté un coup de bluff en suggérant que le chiffrage comparatif qui venait d’être projeté était faux, les couts d’exploitation, sur le même trajet, du bus étant très supérieurs à ceux du transport par câble. La salle n’a pas bronché.

Vous trouverez ultérieurement, dans d’autres articles du Crollois, les éléments techniques du dossier. Mais, d’ores et déjà, l’étude comparative présentée en introduction du débat par Francis Gimbert permet de conclure sans ambiguïté : un dispositif de type « passerelle pour les modes doux + restructuration des infrastructures pour les véhicules routiers + itinéraire aménagé pour les bus » pourrait répondre aux besoins de sécurisation et de fluidité avec un cout complet sur 20 ans bien moindre qu’un transport  par câble.  

Depuis des années, des doutes et des moqueries sont exprimés sur l’utilisation d’un transport par câble pour la liaison Crolles – Brignoud. Tout simplement car nous ne sommes ni à New-York, ni à Medellin qui sont les références emblématiques du tramway aérien.

François Brottes est allé au bout du bout de ce qu’il peut faire pour porter le dossier, alors que, ce 15 décembre, il ne s’est pas trouvé un seul élu pour prendre publiquement  position en faveur du câble.

Les esprits chagrins se demanderont pourquoi nous avons perdu 10 ans en de vaines réflexions faussement innovantes.  

Mais ce matin, je suis guilleret. Je le dis sans ironie : la réunion de concertation fut de grande tenue, presque un modèle (il ne manquait que la diffusion préalable du dossier), la décision n’était pas inscrite d’avance, le choix final sera (j’en suis sûr) celui du bon sens.

Il n’y a pas encore eu de décision officielle. Comme disait l’ancêtre François, il faut laisser du temps au temps pour que le travail de deuil puisse s’accomplir et que le câble soit définitivement enterré.

En tant qu’irréductible crollois, je dois dire que ce moment est assez incroyable. Pour une fois, me voilà parmi la majorité !

Francis Odier