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15 mars 2021

Constructions dans le parc du chateau : cas d'école de consultationwashing

On connaissait le greenwashing, procédé de relations publiques utilisé par une organisation dans le but de se donner une image de responsabilité écologique trompeuse. Nos lignes vous le signalent régulièrement, récemment à Bernin ou à Crolles, dans le parc Paturel ou dans l'écoquartier.

Faites-vous du greenwashing ?

Pour faire croire qu'elle est à l'écoute des administrés sur ses projets d'urbanisation du parc du Chateau, la commune se livre cette fois à un exercice original : le consultationwashing, compris comme procédé de relations publiques utilisé par une organisation dans le but de se donner une image de responsabilité démocratique et d'écoute participative trompeuse.

A l'ère des réseaux sociaux et du partage des connaissances, certains semblent croire encore que "la manipulation des masses" est chose aisée... mais ici, la manoeuvre est si évidente qu'elle ne manquera pas d'être mentionnée dans les universités comme exemplaire de ce qu'il faudrait ... ne pas faire !

 

Souvenez-vous, c'était il y a une éternité : le chemin qui traverse le parc du Chateau était ouvert et baptisé du nom de l'association crolloise qui avait permis sa réalisation - Trait d'Union- , permettant aux crollois du coeur de ville d'éviter les dangers de la route -force est de constater que les belles promesses d'apaisement de la circulation n'ont, à ce jour, rien donné- et d'accéder à un espace vert calme et accueillant.

En juin 2018, une réunion du comité consultatif "Coeur de ville" annonçait la constitution d’un groupe de travail élus / techniciens / habitants / associations, pour définir le niveau de services attendu d'un projet de résidence sénior là où baguenaudent aujourd'hui jeunes et vieux, là où un jardin de ville aurait évidemment sa place, facile d'accès à pied pour les habitants à mobilité parfois réduite d'un secteur dense où nombreux sont ceux qui n'ont pas de jardin.

Engagement avait été pris d'associer les habitants du quartier à l'élaboration d'un projet partagé...

Depuis, les élus en charge n'ont pas changé, ou presque, mais c'est à un tout autre exercice que s'est livrée la commune, tellement biaisé que même les annonces gouvernementales de mars 2020 annonçant que les masques étaient inutiles dans l'espace public passeront pour de piètres boniments.

La technique mobilisée du sondage ciblé, le support de sondage diffusé et la présentation des résultats de ce sondage sont autant de marques d'un "consultationwashing" caractérisé !

La cible du sondage

Les techniques de sondage sont connues : à partir d'un échantillon de population, on cherche à connaître une opinion et à convaincre le public qu'elle est celle des personnes concernées.

A cette fin, on peut interroger un très grand nombre de personnes -on se rapproche alors du référendum ou de la consultation ouverte- ou bien procéder par un échantillonnage de population, éventuellement renforcé par la technique dite "des quotas" qui consiste à s’assurer de la représentativité d’un échantillon, en lui affectant une structure similaire à celle de la population : les questions personnelles posées permettent de donner un poids variable à certaines opinions exprimées parce qu'elles l'ont été par telle ou telle catégorie d'individus qui représentent le même poids dans la population.

L'objectif d'un sondage "normal" est bien de connaitre l'opinion de la population concernée par les questions posées.

Bien sûr, la commune ne s'est pas encombrée de telles contraintes : le document de sondage a été exclusivement présenté aux personnes qui bénéficient des colis de fin d'année...

Ont donc été exclus:

  • les crollois agés qui ne sont pas inscrits à ce service municipal, pour des raisons qui les regardent,
  • les administrés intéressés par ce projet pour qu'y soient accueillis leurs parents éloignés,
  • les crollois intéressés pour investir financièrement dans ce qui sera une formidable niche fiscale pendant 9 ans et pourra devenir à terme du logement banalisé -parlez en aux propriétaires de bungalows dans les Center Parcs de Pierre et Vacances...
  • et... les habitants des quartiers concernés !

Le moins qu'on puisse constater dans ces conditions, c'est que le sondage n'est pas représentatif, au contraire !

Mieux, les personnes interrogées n'ont pas eu à s'exprimer sur leur intérêt pour le projet, faute d'être éclairées sur sa nature... Pour le dire plus simplement, il manque une question :

"Sachant que les logements seront proposés à tel prix -peut-être exhorbitant- avec des charges communes élevées importantes en raison du niveau de service proposé, êtes-vous intéressé par ce projet et envisagez-vous de quitter votre domicile actuel pour rejoindre cette résidence ?"

Autrement dit encore, aucune vérification n'a été opérée par les rédacteurs de ce questionnaire que les réponses apportées l'étaient par des personnes effectivement concernées : le comble !

Le sondage

Sur ce point, la commune est transparente : non seulement, comme dit précédemment, les personnes qu'il fallait aussi interroger ne l'ont pas été et la question posée ne portait pas sur l'opportunité du projet, mais les auteurs du questionnaire assument parfaitement la technique dite "du repoussoir".

Loin de présenter plusieurs possibilités ayant leurs attraits propres, le sondage (accessible par ce lien) présente deux implantations possibles :

  • la première, dans le parc du Chateau de Bernis, fait l'objet d'une description particulièrement laudative : Le calme d'un site d'exception, La proximité du cœur de ville, des commerces et services publics, Proche du Foyer Arthaud et de la médiathèque, A 250 mètres de l'arrêt de bus "église"
  • pour la seconde, proposée à proximité du quartier durable qui sera sans doute le plus bel échec urbain des 20 dernières années dans le Grésivaudan, les atouts sont décrits avec plus de mesure : A quelques pas du cadre naturel du parc, A proximité de l'Ecocentre et des commerces d'entrée de ville, Proche de l'espace Belle Etoile (santé) et de l'Espace Paul Jargot, A 850 mètres de l'arrêt de bus "Teisseire" 

Mais surtout, les photos aériennes sont caricaturales : proximité immédiate pour la première, éloignement pour la seconde, les éléments les plus proches étant le Centre technique municipal et le vaste chantier de l'écoquartier.

On a ici un choix à faire entre des "bonbons" ou un "chardon" ?

Le sketche de Pierre Palmade est dépassé : au moins, lui, proposait-il des choix insensés mais... équilibrés !

 

Les résultats du sondage et leur présentation

Le maire de Crolles a bien voulu m'adresser les résultats du sondage avant qu'ils soient mentionnés dans la revue municipale : je l'en remercie d'autant qu'il a eu l'honnêteté de reconnaitre que "Cette consultation n'avait pas pour objet de recueillir de manière exhaustive l'avis de la population crolloise". Il ajoute pourtant, et à tort comme décrit précédemment, qu'il s'agissait "de vérifier que la réflexion engagée par la Ville, déjà lors du mandat précédent, correspondait bien aux attentes d'une part importante du public potentiellement intéressé par ce projet de résidence senior" : rien n'est plus faux, on l'a vu, à la fois faute de s'adresser à un échantillon représentatif du public intéressé et faute d'avoir vérifié que les personnes, certes nombreuses, qui ont répondu connaissaient bien les caractéristiques du projet et pouvaient envisager d'y résider !

Dans le même courrier, il est indiqué que

  •  Après remise des flyer, "les personnes ont ensuite été contactées par téléphone afin qu'elles puissent faire part du site qu'elles privilégieraient". N'ont donc pu exprimer leur opinion que les personnes qui ont répondu au téléphone.
  • "807 réponses ont été recueillies. 55% des personnes contactées se sont prononcées pour le parc du Château (A), 33% pour le parc Paturel (B), 5% pour les 2 sites indifféremment et 7% sont restées sans avis."

Si on lit précisément cette deuxième phrase, elle est... statistiquement contestable : les taux présentés sont calculés exclusivement sur des "suffrages exprimés" (A, B, A ou B, NSP) ; en effet, on ne connait  pas le taux de retour, information importante pour mesurer plus précisément le nombre de personnes dites "NSP" pour "ne se prononcent pas", qui est ici présenté à tort comme représentant 7% alors qu'il faut ajouter à ce chiffre tous ceux qui n'ont pas répondu au téléphone après avoir reçu le sondage.

Ce constat est d'autant plus grave que, dans l'article de la revue municipale, seules les voix A et B sont mentionnées : en matière électorale, on dirait que n'ont pas été comptabilisés les votes blancs, les votes nuls et les abstentionnistes... Un tel procédé rappelle étrangement la présentation des résultats des dernières élections présidentielles pour désigner un candidat avec un score digne d'un dictateur de république bananière malgré une abstention jamais atteinte.

 

Décidément, ce sondage est bien une caricature de ce qu'il ne faut pas faire : je ne vous cache pas qu'il servira d'exemple à mes étudiants, de contre-exemple plutôt :

  • un échantillonnage biaisé qui ne permet pas de conclure faute de représentativité du "public interessé"
  • une question posée ne décrivant pas toutes les caractéristiques du projet prévu
  • un choix proposé en mobilisant la technique du repoussoir
  • une présentation des résultats défaillante...

 

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L'apprentissage de la participation du public est manifestement un chemin de croix pour nos zélés zélus, voire un chatiment digne de Sysiphe car jamais ils n'atteindront le sommet dont ils gravissent la pente !

L'article du journal municipal ne laisse en effet planer aucun doute sur cette incapacité systémique : "Le cahier des charges, rédigé durant le mandat municipal précédent, sera retravaillé. Avant sa publication, ce document sera présenté à un panel de seniors qui pourra ainsi faire part de ses remarques."

 

 

Et si on s'intéressait enfin à l'opinion des personnes concernées par le projet, en donnant les informations nécessaires, en posant les bonnes questions et sans travestir les résultats ?

(et pour les amoureux du droit public, j'invite nos zélés zélus à bien connaitre l'arrêt Promoimpresa...)

E.Wormser, le 14 mars 2021

Commentaires

Il est vrai que le maire et sa nouvelle équipe préfèrent le dialogue sans entrave avec...mais bien sûr le seul responsable, le seul élu en chef : le maire.
Et ce petit papier de sondage n'a été distribué qu'aux seuls personnes du troisième âge qui ont demandé un colis de Noël, papillote de Noël aux obligés à leurs bons maîtres. Dis mémé, dis pépé, vous me faites un bisou ?

Écrit par : MITTELBERGER | 30 mars 2021

Et j'en apprends une bonne en discutant avec des anciens : Monsieur le Maire a donné de sa personne pour ce questionnaire puisqu'il est lui même aller leur tenir la plume en les visitant lors de la remise des colis de Noël...

Là, on atteint le fond !

Écrit par : Emmanuel Wormser | 31 mars 2021

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