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12 avril 2022

Le pont de Brignoud - notre petit cygne noir

Un cygne noir est un événement imprévu, réputé hautement improbable, avec des conséquences graves et dont on découvre a posteriori qu’il n’est pas le fait du hasard.

Un pont brûle et toute une vallée s’échauffe. Nos grands industriels sont privés d’électricité pendant plusieurs heures. Le trafic est détourné, des experts sont mandatés pour apprécier les dégâts, les automobilistes grondent, une pétition est lancée pour réclamer la gratuité du péage entre Le Touvet et Crolles, des élus appuient cette revendication qui se veut de bon sens populaire … et tout ça pourquoi ?

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L’addiction à la mobilité

A notre modeste échelle du Grésivaudan, le pont de Brignoud est comme le canal de Suez qui fut bloqué et effraya le commerce mondial par l’inattention fautive d’un commandant de bord assoupi ou rêvant d’autres rives : le révélateur de notre dépendance délétère à la circulation automobile. Nous sommes dans la société de la bagnole. Faut que ça roule, de gré ou de force. Comme dans toute bonne pensée unique, nous sommes persuadés de ne pas avoir le choix. Et comme dans toute bonne addiction, nous n’avons pas la force de nous libérer de l’emprise de la drogue dont nous connaissons pourtant la nocivité.

La circulation foisonnante est la conséquence du foisonnement urbain. La ville est partout. Les centres d’intérêt sont partout. Les déplacements sont dans tous les sens. La demande de mobilité est immense et proche de l’infini.

Les mauvais choix se paient cash

Nous sommes dans une impasse où un feu de câbles déstabilise toute une vallée. Heureusement, l’histoire n’est pas finie et il reste des options, même si ce ne sont pas celles qui ont été choisies pour l’instant par la population mandatant ses élus pour planifier l’urbanisme, aménager le territoire et définir la fiscalité.

La première option est trop simple pour être énoncée sans retour de bâton (« et toi, combien de kilomètres au compteur ? ») : il faudrait rouler moins, cela s’appelle la décroissance de la mobilité. Les confinements et le télétravail nous ont permis d’expérimenter cette approche. Elle a ses limites, l’immobilisme imposé par diktat présidentiel avec l’assentiment des godillots, et ses vertus : les commerces et les loisirs de proximité, la réduction des trajets domicile – travail, l’apaisement urbain. Déjà, on pourrait commencer par valoriser la sédentarité, au-lieu de promouvoir le mouvement sans fin. Aussi, je le dis comme ça, en passant, sans insister, juste pour agir à la racine du problème, on pourrait travailler moins, 4 jours par semaine, tout est dans tout, qui sème la croissance récolte les bouchons.

La seconde option est tout aussi simpliste et n’a rien de neuve. Il n’aurait pas été idiot de prioriser autrement les investissements publics : réduire les fonds pour la voirie routière, accélérer les travaux pour les transports en commun et les réseaux cyclables desservant les gares. Faut-il nous excuser, au crollois.fr, de nous être gaussés de ces collectivités locales incapables d’aménager un itinéraire cyclable pour la traversée Crolles – Brignoud ? Faut-il passer sous silence que le renforcement des cadences ferroviaires sur la ligne Grenoble – Chambéry est demandé, proposé, depuis des années, déjà plusieurs décennies, par moult citoyens et associations ayant réfléchi posément à la géographie du Grésivaudan ?

Au-delà d’un stade qui n’est pas loin d’être atteint dans la région grenobloise, la concentration des richesses, des usines, des emplois, des sites d’intérêts majeurs dans un même bassin géographique, produit le même phénomène qu’une bombe atomique : quand les masses radioactives atteignent une densité critique, la réaction en chaîne s’emballe et c’est l’explosion.

Les plus anciens se souviennent de l’ambition brottesque de voir « Crolles pôle rayonnant sur le Grésivaudan ». Le résultat est là, nous avons Crolles bouchonnant dans la vallée.

Le cercle fermé des initiés

Le pont a brûlé car un inconnu malfaisant y a mis le feu. Il a mis le feu car il savait que le pont pouvait brûler. Tout le monde est surpris, sauf ceux qui savaient que des lignes électriques couraient sous le pont. Retenons la leçon : puisque l’information sensible ne reste jamais secrète longtemps, autant qu’elle soit publique. La confidentialité, toujours ratée à un moment ou un autre, profite surtout aux délinquants.

En misant sur la transparence, les citoyens, élus ou non, qui s’intéressent à la vie commune pourront se renseigner, être éclairé sur la situation d’une infrastructure et les risques, formuler des avis pertinents, alerter si besoin. En un mot, contribuer à l’intérêt général. C’est le principe des Commissions Locales d’Information relatives aux centrales nucléaires, des Commissions de Suivi de Site pour les établissements dits Seveso, potentiellement dangereux pour l’environnement (Installations Classées pour la Protection de l’Environnement) et, plus généralement, du droit d’accès à l’information environnementale : convention internationale d’Aarhus, article L 124-1 du Code de l’environnement, article 7 de la Charte de l'environnement qui a valeur constitutionnelle, directive 2003/4/CE concernant l'accès du public à l'information en matière d'environnement …

Hélas, mais nous développerons ce point un autre jour, nos autorités publiques actuelles, de la commune au sommet de l’Etat, sont trop souvent frileuses, réticentes et, pour tout dire, carrément opposées à la bonne application de ces dispositions légales. En pratique, il n’est pas rare de devoir batailler plusieurs mois en mobilisant les outils juridiques à notre disposition (CADA – Commission d’Accès aux Documents Administratifs, Tribunal Administratif …) pour obtenir des documents auxquels nous avons droit. Les exemples sont légion à Crolles et ailleurs. Revenons à notre pont qui est, ou devrait être, une affaire publique.

Chacun chez soi et le pont est mal gardé

Qui est le gardien, le berger du pont ? A vrai dire, je ne sais pas. Ce devrait être la collectivité, nous, toi, moi, nos élus et nos experts. Car ce pont est un bien commun, on le ressent dans nos tripes de conducteurs quand le pont se rend indisponible.

Un horrible doute me traverse l’esprit : comment être sûr que tous les intervenants sur le pont se coordonnent correctement, coopèrent ? Depuis l’éclatement d’EDF en plusieurs entités, nous avons au moins deux électriciens qui ont posé des câbles sous le pont : ENEDIS et RTE. Chacun d’eux a-t-il pris en compte ce qui a été fait par son confrère, ancien collègue et peut-être, malheureusement, nouveau rival comme à la cour d’école ?

Vite une enquête accident ! Je suis candidat pour y participer.

Francis Odier - 11 avril 2022

Nb : en 2009, déjà, le diagnostic était posé sur la mobilité - crolles-doc-urbanisme-plu-rapport-presentation-PLU (extrait).pdf

Commentaires

Bonjour,
j'ajouterai que les villages traversés par ces pauvres automobilistes empêtrés dans les bouchons ne sont pas des villages en carton : des gens y vivent, y travaillent, en respirent l'air... et ne peuvent plus se déplacer même à pied sans risquer de se faire renverser par un cycliste (qui emprunte le trottoir car il ne peut plus circuler sur la route) ou par un automobiliste s'octroyant le droit de prendre un sens interdit car son temps à lui est plus précieux que celui des autres...
C'est un cauchemar pour les automobilistes mais c'en est un bien plus grand pour les villageois habitant le long des fameuses routes secondaires.
Pensez à nous, posez votre voiture, prenez le bus, le train, le vélo ou co-voiturez...

Écrit par : Mireille Blache | 12 avril 2022

Tout ça est bien joli, mais c'est un peu écrit depuis le monde des Bisounours. Ou bien par des gens qui n'ont pas à se soumettre au rythme de travail de 35 heures par semaine (et plus...).

L'idée selon laquelle les transports en commun et les transports "doux" (ah ? Les autre seraient "durs" ? Violents ? Méchants ?) résoudraient globalement la problématique des déplacements au travail (et liés à ceux de la vie quotidienne) est une illusion, dangereuse et menteuse.

S'il faut ré-orienter son temps de vie diurne vers du temps passé à attendre un transport en commun, à emprunter des trajets longs car peu directs, et qui va faire perdre à la fois 20 à 30% de temps supplémentaire, de la disponibilité professionnelle et des moyens d'emmener avec soi ses achats etc, hé bien, non, cette option n'est carrément pas la bonne.

Un moyen de transport personnel est toujours une obligation, dans la plupart des cas, contrairement à ce que les gens comme vous voudraient faire croire. Un simple exemple : aller prendre un train à la gare de Grenoble, 25 à 35 minutes minutes en voiture, presque 1 heure de plus par les transports. Fais ton choix, camarade !

Il faut d'abord réformer la société en profondeur PUIS seulement ensuite attendre des gens qu'ils empruntent des moyens de transport adaptée à une nouvelle vie QUI EXISTE REELLEMENT. Mettre la charrue devant les boeufs, voilà la seule manière de faire qui nous est proposée depuis trop longtemps. Pour l'instant, ce que nous permet la société ne nous permet pas de vivre comme vous le décrivez.

Daniel Tremblay

Écrit par : Lonewolf | 29 juin 2022

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