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11 juin 2018

Charte du Développement Durable en Grésivaudan

Le sujet n'est pas neuf, mais il reste d'actualité. Ou plutôt, il serait souhaitable qu'il le soit. A l'occasion de la préparation du projet de territoire du Grésivaudan, nous avons le plaisir de remettre en ligne des documents maintenant historiques qui permettront à chacun de se faire une idée sur le bilan du Grésivaudan, d'abord en tant que "pays", puis en tant que communauté de communes, et sur le chemin parcouru depuis une dizaine d'années.

En juin 2009, six mois après sa création, le Grésivaudan adopte sa charte de développement durable. Il ne s'agit pas d'un engagement gratuit, mais d'un point de passage obligé vers un contrat de développement durable avec la région Rhône-Alpes, contrat qui ouvre la porte à des subventions pour des actions contributives au développement durable. C'est une mécanique institutionnelle complexe comme nous aimons bien en France : des textes généreux et généraux en préalable à des espèces sonnantes pour des actions que l'on espère non trébuchantes.

Dans son avis, le Conseil de Développement, qui n'est pas naïf, insiste lourdement : ce que l'on veut, c'est une politique de développement vraiment durable. La plaquette réalisée par le Conseil de Développement reprend ce leitmotiv : il y a "nécessité d'engager résolument le Grésivaudan dans un développement vraiment durable en s'appuyant sur plus de participation des habitants afin d'économiser les ressources et réduire la pauvreté et les inégalités".

C'est là que l'on voit qu'il y a loin de la coupe aux lèvres ... La participation des habitants est épisodique, lacunaire, partielle ... En un mot : absente. Quant à la pauvreté et aux inégalités, ce sont des enjeux bien éloignés des préoccupations d'une collectivité territoriale accaparée d'un côté par les soucis quotidiens de la gestion, de l'autre par des réflexions très théoriques sur les politiques à mener.

Sans doute avons nous eu tort de nous complaire dans des déclarations incantatoires, trop ambitieuses pour être réalistes, tellement floues qu'elles en deviennent vide de sens. Avec le recul, je m'interroge : la charte a-t-elle fait progresser le développement vraiment durable ? Je crains l'inverse. La charte a masqué l'inertie et la continuité des politiques réellement menées, elle a fait illusion, retardant les prises de conscience, contribuant à l'égarement collectif.

A l'époque, plusieurs signaux auraient dû attirer l'attention. La charte a été élaborée avec des erreurs grossières de méthode.

L'histoire commence toujours avant ce que l'on croit. Le texte de 2009 est la mise à jour d'une version initiale adoptée en 2003 (lire : Parties I et II et Partie III). Mais en 2009, le conseil communautaire est pressé ; il ne procède à aucune évaluation du texte précédent ; il oublie ainsi l'histoire récente. Il ignore aussi la géographie : le diagnostic est donné en seconde partie, après les orientations en première partie. Les deux parties du document ne sont pas articulées. La charte se veut volontariste sur le développement, mais sans poser correctement les problèmes auxquels elle souhaite répondre.

La charte est donc hors du temps, hors sol, elle plane. Irréelle, elle est insensible à la pesanteur et à la tragédie du monde. Dans 10 ans, nous pourrons voter à l'unanimité une version 3 après avoir modifié quelques adjectifs et déplacé deux ou trois virgules.

Peut-être suis-je sévère, mais comment ne pas l'être et comment ne pas être déçu quand on se souvient des espoirs placés, ces années là, dans la continuité du Grenelle de l'Environnement, dans le développement durable qui devait renouveler, en même temps, le contenu des politiques, avec une meilleure prise en compte de l'environnement, et les méthodes mises en œuvre en se fondant sur la participation citoyenne ? 

Alors, quels enseignements en tirer pour notre projet de territoire ? J'en appelle surtout à la simplicité. Que le projet s'appuie sur un diagnostic, qu'il soit concret et centré sur les compétences de la communauté de communes. Pas besoin de nous faire rêver, ce n'est ni l'heure ni le lieu de s'assoupir.

Quelques mots encore pour ne pas rester sur l'impression (fausse) que rien ne change. En 2003 et 2009, concernant la qualité de l'air, c'est surtout la pollution par le trafic automobile qui inquiétait. Aujourd'hui, les connaissances sont plus précises et le chauffage au bois est sur la sellette. En 2009, le diagnostic évoquait, à plusieurs reprises, l'évasion commerciale vers l'agglomération grenobloise. Ce sujet était soigneusement oublié des orientations figurant dans la charte ... mais il a été pris en compte dans les politiques réelles menées, comme on le voit avec la croissance considérable de la grande distribution à Crolles.

Enfin, je ne peux être exhaustif, mais je vous recommande la lecture de cette charte du développement durable du Grésivaudan. Chacun y trouvera des lignes en écho à ces centres d'intérêt. Tiens, voilà les risques naturels, dans la partie Diagnostic : "la géomorphologie induit la présence de risques naturels importants et quasi omniprésents sur le territoire : éboulements, voire écroulements rocheux sur les parties basses des piémonts qui limitent l'urbanisation des parties hautes des communes (...)". On croirait ce texte dicté par François Brottes pensant très fort à la digue du Fragnès qu'il voulait construire à Crolles. Vous pourrez lui dire que le chantier avance bien, il sera fini, ou presque, en 2019, dix après la charte. Le sujet n'était pas mentionné dans les orientations du développement durable, mais il a été pris en compte dans la politique de développement-tout-court.

En ce printemps 2018, le développement durable ne fait plus recette. Comme les agendas 21 échoués dans les friches numériques, il peut rejoindre le musée des modes et vagues qui ont envahi temporairement l'espace public, laissant des traces ici ou là, semant malgré tout des graines qui germeront si les écosystèmes restent suffisamment ouverts et libres.

Pourtant, qu'elles étaient belles ces orientations : Gérer l'espace et les ressources de manière économe, Assurer l'équité, Développer les synergies, Maintenir le lien social, Faire vivre le patrimoine, Encourager les solidarités, Diversifier l'activité et l'emploi, Conforter l'économie agricole, ... J'adore !

Francis Odier, 29 mai 2018

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