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13 mai 2019

Le magazine de Crolles de mai 2019 : éloge du rond-point de Devos

Les ronds-points ont fait en France l'actualité de l'hiver et du printemps. Celui de l'entrée de Crolles montre la profondeur du mouvement initié et les avancées -bien peu politiques mais fondamentalement sociales- des idées qui s'y sont échangées.

Comme en clin d'oeil, la tribune de l'opposition, en page 14 du dernier numéro du magazine de Crolles, les mentionne en conclusion :

"Il est urgent que nos élus regardent ailleurs ce que les villes comparables inventent. Mais en sont-ils encore capables après plus de 20 ans à tourner en rond autour de nos ronds-points ?"

 

ouroboros--tintin.jpgcollier-trois-rangs-de-perles-akoya-vintage-283.jpgC'est toute la lecture de ce numéro de la revue municipale qui m'a fait penser à Raymond Devos et son rond-point !

Les perles qu'il égrène forment un collier "trois rangs" étonnant : on y retrouve en fait tous les ingrédients d'un raisonnement circulaire quasi-tautologique, digne du serpent qui se mord la queue !

Comment alors ne pas renvoyer au "plaisir des sens" ?


Au secours Raymond !

Le truculent Raymond Devos, que j'ai eu la chance de voir sur scène, nous a offert de grands moments d'anthologie de la langue française.

Parmi ceux là, le fabuleux sketch du "rond point" :


Et je ne m'attendais pas à rire presque autant en lisant ma gazette communale.

Sans prétendre à l'exhaustivité, les pages 3, 4, 7 11 et 13 nous offrent à voir des perles du plus bel orient, enfilées avec application sur un collier ...en toc ?

Je vous laisse apprécier !

La tribune des dissidents

En page 3, bien plus qu'un droit de réponse, la tribune des "dissidents" forme une mise en scène pré-électorale caractérisée.

Manifestement touchés par notre article "Les dissidents qui n'ont rien dissidé", ses auteurs ont cru devoir rédiger, quelques jours avant la sortie de la revue municipale, un mode d'emploi de leur révolte révolutionnaire en rédigeant sur leur blog l'article suivant : "Oui, on peut être dissident et légitime".

L'illusion ainsi entretenue réside dans la tentative maladroite de confusion et de raccourci entre deux expressions proches en apparence et pourtant terriblement éloignées au fond :

"oui, on peut être dissident et il est légitime de l'être"

versus

"non, on ne peut pas être dissident et légitimiste"

Or la lecture de leur exposé dans la revue municipale laisse... pensif.

Car lire, sous la plume d'adjoints qui sont majoritaires en nombre au sein du collège restreint de la municipalité, que rien ne se fait comme il faut depuis le début du mandat et découvrir dans le même texte qu'ils "prouvent" leur loyauté en rappelant "leur vote du budget", voilà qui laisse rêveur !

Comment peut-on sérieusement marquer son accord pour un budget qui s'inscrit dans la continuité des actions déjà engagées et revendiquer une opposition active aux mêmes actions ?

Les auteurs de la tribune relèvent que "l’esprit de participation des habitants" a été oublié. En approuvant le budget, le message transmis aux électeurs administrés est donc "les actions sont les bonnes mais la méthode pour les décider est mauvaise".

Quel curieux oxymore... Ou alors cet "esprit de participation" n'est que de façade : il ne s'agit pas, une fois de plus, d'écouter le public lors de l'élaboration des projets mais de l'informer pour qu'il y adhère sans les contester.

Sont-ce bien de perles qui sont ici enfilées ?

1319_l.jpg

(et je vous mets au défi de tenir la pause du modèle de Rodin
pendant plus de 10 minutes sans souffrance insoutenable au bas du dos)

Le règlement local de publicité

En page 4, les rédacteurs de notre feuille de chou annoncent l'enquête publique imminente sur le règlement local de publicité (RLP) "à partir de fin mai". Un petit tour en mairie suffit pour apprendre que la date est parfaitement connue (heureusement !) : l'enquête aura lieu du 25 mai au 25 juin.

Les ateliers organisés ont ils permis de rédiger un beau produit ? J'avoue avoir renoncé à y participer, bien refroidi par l'incapacité de nos zélés zélus à faire autre chose que de l'information déguisée en concertation...

Et force est de constater que la montagne a, comme d'habitude, accouché d'une souris. Vous ne me croyez pas ? C'est votre droit. Alors, tel Saint Thomas plongeant ses mains dans des plaies béantes, allez lire les résultats de ces travaux menés sur le site de la commune et comparez ce qui se dessine avec la réglementation nationale applicable sur tout le territoire et ... pas appliquée à Crolles.

Cherchez bien : il y a quand même quelques différences locales, mais elles sont mineures. Il est vrai que le dossier a été confié à un élu "dissident".

Alors, un RLP pour rien ?

Pas tout à fait : alors que les infractions aux règles nationales devaient être traitées par les services de l'Etat, elles pourront l'être désormais par la commune... Mais une commune qui n'a jamais dénoncé au Préfet les nombreuses infractions constatées dans son entrée de ville sera-t-elle plus courageuse quand elle aura le bâton en main ?


Les travaux du Craponoz

En page 7, à l'occasion de la présentation des travaux du SYMBHI -j'en profite pour saluer la qualité d'écoute du SYMBHI aux demandes des multiples usagers des berges de l'Isère-, la commune revient sur les travaux du Craponoz.

Il est ainsi indiqué que la GEMAPI (pour Gestion des milieux aquatiques et la protection contre les inondations) était "auparavant répartie entre les différentes communes du territoire mais pas de manière clairement identifiée".

Là, on est déjà dans le n'importawak ! Comment peut-on prendre à ce point les lecteurs de la revue pour des canards sauvages ?

Les compétences ont toujours été parfaitement réparties : le rôle des communes dans la protection contre les risques naturels était très bien précisé par les lois et règlements, sans modification importante depuis l'ancien régime ; en 2014, une loi a annoncé un transfert de cette compétence aux intercommunalités à partir de 2018; lesdites intercommunalités se sont empressées de fixer un impôt nouveau au titre de la GEMAPI.

Le Grésivaudan a suivi cette évolution et, prenant soudainement conscience des responsabilités afférentes à la perception des taxes, s'est débarrassé de la compétence en refilant le bébé -et, ici, l'eau du bain !- à une structure départementale : le SYMBHI.

Les travaux de sécurisation du Craponoz, véritable baton merdeux que se refilent les communes de Crolles et Bernin depuis 20 ans, vont donc pouvoir être encore reportés et faire l'objet de nouvelles études...

Le transfert vers d'autres cieux de cette pomme de la discorde permettra-t-il enfin de marier les deux voisines ?

Hum... Accordez moi une perle (de bain parfumée coco)!

perle-de-bain-parfum-coco-sac-200.jpg

 Un écoquartier en pleine zone humide

En page 11, un article intitulé "Les archéologues ont repris les fouilles" nous apprend que "La première [campagne de fouilles opérées sur les terres du futur écoquartier], menée en 2018 le long de la rue Charles de Gaulle, avait permis de mettre à jour quarante structures drainantes (fossés, drains, caniveaux), pour certaines datant de la période romaine (Ier - IIIe siècle de notre ère)".

Ah bon ? Mais alors, il y aurait de l'eau à drainer dans ces terres ? Et nos ancêtres le savaient déjà il y a 2000 ans ? Et ceux d'il y 300 ans le savaient aussi lorsqu'a été nommé "Tuileries" ce quartier riche en argiles de toutes sortes ?

Pourtant, à en croire la commune, pas de zone humide dans le secteur !

C'est en tous cas ce qu'elle a affirmé aux services de l'Etat lorsqu'ont été instruites les autorisations préalables à la création de l'écoquartier, malgré nos alertes répétées.

Ca s'appelle "se tirer une balle dans le pied" et c'est bien une perle !

Balle-dans-le-pied.jpg

 La quatrième modification du PLU

En page 13, on nous apprend l'arrivée prochaine d'une autre enquête publique ou plutot... d'une consultation du public sans commissaire enquêteur, dans le cadre d'une modification simplifiée du PLU. Son objet est discrètement dessiné dans la délibération approuvée accessible par ce lien :

Délibération N° 34-2019,
Définition des modalités de mise à la disposition du public du projet de modification n°4 simplifiée du PLU

On pourra donc s'exprimer du 17 juin au 26 juillet, dans une procédure de consultation qui sera aussi inutile que les enquêtes publiques précédentes relatives à notre document d'urbanisme.

Donc, tant qu'à faire, autant ne pas prendre de risques liés au commissaire enquêteur... C'est vrai ça !

Oui, mais ! Cette procédure simplifiée, permettant d'éviter l'enquête publique, n'est possible, comme le rappelle d'ailleurs la délibération, que si le projet de modification n'a pas pour effet de majorer de plus de 20 % les possibilité de construction résultant, dans une zone, de l'application de l'ensemble des règles du plan.

Qu'en est il ?

C'est sur le site de la DREAL qu'on peut connaitre la modification envisagée : renseignements pris, la commune découvre que son PLU rédigé sans objectifs et sans ambition aboutit à une "informe" -je dis souvent "une bouse"- urbaine. En effet :

  • "l'implantation actuelle des bâtiments de type industriel ou artisanal dans l'ensemble de la zone UC et principalement le long de la rue des sources n'offre pas la vision attendue d'une zone urbaine, et la règle d'implantation actuelle portée à 7 m minimum empêche cette mutation"
  • et ce "recul de 7 m des bâtiments par rapport à l'emprise publique permet en effet aux promoteurs de créer une voirie interne parallèle à la voie publique mais aussi de positionner des parkings privés le long de cette voie publique. La vision depuis le domaine public n'est pas à l'image espérée par la commune dans ce secteur qui est celle d'une ville dynamique, mixte et verte. Ainsi, il apparaît nécessaire de redéfinir ces règles de recul dans l'ensemble de la zone UC pour éviter cette bande de stationnement qui mettrait à distance les constructions et. donc, les activités économiques imposées en rez-de-chaussée.
    Il est proposé de modifier la règle générale d'implantation par rapport aux voies dans la zone UC en imposant une implantation entre 3 et 5 m au lieu de 7 m. Il est de plus proposé d'ajouter une exception à la règle sur la rue des sources en appliquant une implantation obligatoire à 3 m afin de créer un front commercial et d'activité le long de cette rue et de mettre en valeur les vitrines de ces locaux."

La commune indique alors que "cette modification n'a pas pour effet d'augmenter les droits à construire de plus de 20%. ceux-ci étant d'ores et déjà limités par le coefficient d'emprise au sol qui n'est pas modifié".

Ben, c'est ballot, mais c'est faux.

Parce que le PLU ne s'oppose pas aux dispositions des articles R123-10-1 ancien et R151-21 nouveau du Code de l'urbanisme, n'importe quel promoteur un peu au courant des règles d'urbanisme sait comment contourner la règle d'emprise d'un PLU par des divisions régénérant des droits à construire. Réduire les règles de prospects c'est donc, arithmétiquement, augmenter les possibilités de densifier un quartier.

Ben c'est ballot parce que le zonage UC est en sursis.

La délimitation de la zone UC est aujourd'hui fragilisée par un recours contre la modification qui l'a étendue en 2017 -le tribunal ne va pas tarder à rendre sa décision a priori, la clôture d'instruction de cette affaire ayant été prononcée... Si le recours prospère, on ne pourra donc -au mieux- appliquer ces dispositions que sur l'ancienne zone UC : ne vaudrait il pas mieux savoir d'abord si la rue des Sources bénéficiera de cette évolution ?

Ce qui est plus ballot encore, c'est que ce type de modification met en évidence le bricolage général qui préside encore à la rédaction de notre PLU. C'est sans doute pour un projet précis, en cours de négociation avec un constructeur, que cette évolution est envisagée... Du clientélisme urbain, de l'urbanisme à la petite semaine...

L'opposition majoritaire au conseil -ou la majorité opposée ?- s'en est d'ailleurs offusquée après avoir approuvé comme un seul homme la délibération précitée... alors que c'est un élu "dissident" à qui a été confiée la gestion de projet de tout l'aménagement de cette zone.

Un détail amusant : la commune n'attend pas la réponse de la mission d'autorité environnementale, qui décidera si son projet de modification sera ou non soumis à évaluation environnementale, pour fixer la date d'enquête. Mais bon, rien de surprenant : elle a toujours considéré qu'une telle démarche d'amélioration itérative ne servait pas à grand chose parce que l'environnement, le vrai, "ça commence à bien faire" (tout lien avec la pub faite pour trois cabanes à oiseaux au moment où les mesures compensatoires des atteintes environnementales portées aux coteaux par les digues s'avèrent bien difficiles à mettre en œuvre serait... fortuit !)

Pourquoi la pilule est-elle si difficile à avaler, alors qu'elle est ronde, sphérique, nacrée, irisée, bref : une nouvelle perle ?

Perle.jpg

 

 

Emmanuel Wormser, le 13 mai 2019

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