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01 mars 2018

Mon chien le ruisseau de Bernin et GEMAPI

Article en pdf : Mon chien le ruisseau de Bernin et GEMAPI par JFC.pdf

GEMAPI vous connaissez ? Le Parisien dans son édition du 15 janvier 2018, après les grandes inondations de la région parisienne, titrait : « Impôts : après la taxe d’habitation, voici la taxe inondation ». Si vous payez une taxe d’habitation ou une taxe foncière (ou les deux) vous pourrez constater combien nos élus du Grésivaudan sont des précurseurs ! Notre communauté de communes est parmi les 200 EPCI (Établissement Public de Coopération Intercommunale) sur 1266 à avoir prélevé cette taxe qui représente en moyenne 6 € par habitant. Mais bien sûr cela peut varier suivant la valeur locative de votre bien. Et cette taxe a été adoptée à l’unanimité ! Comme bon nombre de délibérations de cette assemblée d’ailleurs.

GEMAPI c’est un acronyme plutôt plaisant à l’oreille ! Il signifie : « GEstion des Milieux Aquatiques et Prévention des Inondations ». Sa réalité est plus compliquée, nous y reviendrons.

Et alors, quel rapport entre mon chien et le ruisseau de Craponoz ?

Craponoz 1.jpg

C’est tout simple, pour mon chien et pour moi la marche est un exercice physique indispensable prescrit par toutes les bonnes facultés ! Et ils ne sont pas si nombreux les coins de balade avec son chien, à l’abri des fous du volant ou des maniaques de la gâchette en période de chasse. L’ancien chemin du Teura à Bernin, les berges du ruisseau ou le parcours de santé sur Crolles font partie de ces endroits de détente appréciés des sportifs et des promeneurs de tous âges.

Cela fait déjà quelques années que l’on entend parler de projets d’aménagement de ce ruisseau, des risques de débordements, de rupture des digues, de risques d’inondation. On voit des personnes qui observent la faune et la flore. Les promeneurs en parlent, s’interrogent. Certains évoquent un projet destructeur, on rase tous les arbres et on bétonne. On avance des sommes considérables, de l’ordre de 3 millions d’Euros uniquement pour la partie aval du pont du Plâtre, celui qui relie le chemin des Casernes à Bernin et la rue de la Bouverie sur Crolles.

Le mois de janvier a connu de très fortes précipitations et on a pu lire de très nombreux articles dans la presse locale concernant les dégâts et les conséquences sur les communes et le Grésivaudan.

Concerné par mon lieu de promenade, les risques potentiels et...mes impôts, j’ai commencé à faire quelques recherches. Le moins que l’on puisse dire c’est que le problème ne date pas d’hier. Des études, notre ruisseau de Craponoz en a connu beaucoup dans le passé mais depuis 2003 elles se sont succédé à un rythme plus élevé, pour un montant estimé à 250 000 €.


Ce qui rend la situation complexe c’est que si les rivières « navigables et flottables » comme l’Isère font partie du domaine public, la plupart des ruisseaux et torrents sont dans le domaine privé, soit des particuliers, soit des communes. Depuis très longtemps pour se protéger et mutualiser les dépenses, les propriétaires riverains se sont organisés en Association Syndicales (AS) qui n’ont pas toujours les moyens d’assumer les coûts de certains travaux. Les règles devenant plus strictes, de nombreuses zones sont devenues inconstructibles ou considérées comme étant à risque. Le ruisseau de Bernin traverse une zone industrielle très importante, ce qui périodiquement interpelle les élus.

Les projets de 2003 étant tombés aux oubliettes, les maires de Crolles et Bernin se préoccupent de nouveau du problème. Une délibération du conseil municipal de Bernin du 14/04/2011 approuve une convention de co-maitrise d’ouvrage avec la commune de Crolles et l’Association Syndicale de Bresson à Saint-Ismier pour la réalisation d’un projet datant de 2009/2010.

Que s’est-il passé ensuite ? Rien !Craponoz 3.jpg

Le dossier resurgit en 2013 aux conseils municipaux de Crolles et Bernin. Le Dauphiné Libéré du 1er juillet 2013 titre : « Crolles se préoccupe du Craponoz ». La journaliste écrit : « Le dossier avance en même temps qu’il s’épaissit ». On veut bien la croire. Et on lance une nouvelle étude !

Les deux conseils s’entendent pour financer les travaux et s’accordent sur un projet que Crolles propose de présenter au public mais que Bernin refuse. Le prétexte avancé par un élu et relevé par la journaliste : « C’est toujours difficile de présenter un projet impactant pour les personnes en étant friable sur la réalité et les conséquences...L’avant-projet est très technique. » Quel jargon et quel mépris ! Circulez il n’y a rien à voir. Pour certains la politique c’est : « mettez votre bulletin dans l’urne nous nous occupons du reste », comme le fameux slogan de George Eastman de 1888 : « You press the button, we do the rest ». Mais le projet fait débat au sein même du conseil municipal de Bernin. Certains trouvent le projet démesuré, faisant une très large part au béton et peu à l’environnement.

Après les élections municipales de 2014, les deux communes votent leurs budgets avec pour chacune une prévision de 500 000 € pour financer les travaux après déduction des subventions possibles. C’est un des problèmes à souligner, les subventions sont rarement attribuées pour des travaux d’entretien réguliers mais le plus souvent pour de gros aménagements. Résultat : les collectivités font souvent l’impasse sur la prévention des risques.

Fin de l’histoire ? Mais non ! Heureusement peut-être, on verra pourquoi.

* *

27 janvier 2014 : évolution de l’intercommunalité avec l’entrée en vigueur de la loi de Modernisation de l’Action Publique Territoriale et d’Affirmation des Métropoles (loi MAPTAM) qui donne la compétence exclusive et obligatoire de GEstion des Milieux Aquatiques et de Prévention des Inondations, dite compétence « GEMAPI » aux établissements de coopération intercommunal à fiscalité propre (EPCI-FP). Pour notre territoire il s’agit de la Communauté de Commune Le Grésivaudan qui bien sûr se précipite sur cette compétence sans en mesurer pleinement l’ampleur. Elle doit devenir effective le 1er janvier 2018 après plusieurs années de transition, d’études et...de taxation !

Les communes oublient momentanément cette affaire et dépensent l’argent autrement !

Le dossier n’est pas clos, les communes de Crolles et Bernin invitent la population à une réunion d’information le 30 mars 2017 à la salle des fêtes de Bernin pour présenter un avant-projet (voir courrier signé par  les deux maires). (un de plus!). Pas de compte-rendu dans les Bulletins Municipaux de Bernin et Crolles mais le maire de Bernin dans le bulletin d’avril 2017 promet une réunion avant la fin de l’année. Cette réunion n’a jamais eu lieu. Crolles et Bernin prennent une délibération afin de déposer une demande de subvention. Sur quelle base ?

N’ayant pas assisté à cette réunion, j’ai demandé aux communes de Bernin et de Crolles communication du support de présentation. Refus de Bernin, pas de réponse de Crolles.

D’autant plus que ceux qui ont assisté à la réunion sont nombreux et ce projet fait beaucoup parler, il inquiète les promeneurs, l’avant-projet présenté est démesuré et n’est pas conforme aux besoins : tout est rasé, tout est refait. Plus d’arbres sur les digues, lit élargi, etc. Un univers minéral. La coupe de gros arbres très anciens chemin du Teura sur Bernin n’est pas là pour rassurer le public. Mais ce projet est-il bien utile ? Va-t-il éliminer les risques d’embâcle et rupture au niveau supérieur comme cela s’est déjà produit plusieurs fois dans l’histoire ? Nous ne pourrons répondre qu’avec les éléments concrets que nous espérons bien obtenir un jour !

Dans tous les projets antérieurs à 2018 les documents font état d’une responsabilité fractionnée entre les communes, l’association syndicale, le service RTM (Restauration des Terrains en Montagne dépendant de l’Office National des Forêts) et les particuliers directement pour la partie comprise entre la cascade de Craponoz et le pont de la RD 1090.

Le Grésivaudan s’active, crée une taxe GEMAPI basée sur le foncier bâti, le foncier non bâti et la taxe d’habitation, finance une étude afin d’élaborer un schéma directeur GEMAPI, crée un service. Le schéma directeur détaillé fait l’objet de nombreuses réunions, il est finalement adopté par le conseil du Grésivaudan le 20 novembre 2017. Tout est précis, détaillé, ordonné. Pas moins de 1450 km de linéaire hydraulique, 78.4 km de digues (hors axe Isère), 28 aménagements hydrauliques et 311 actions dont 67 prioritaires à mettre en œuvre ont été recensés (source Bulletin Municipal Le Cheylas).

La nature et Eleanor en ont décidé autrement ! Les 4 et 5 janvier des dégâts considérables sont causées par les pluies diluviennes. Le ruisseau de Craponoz tient bon mais ce n’est pas le cas dans de nombreuses communes du Grésivaudan. Le Dauphiné Libéré du 11 février consacre une double page à cette catastrophe avec une estimation de 2,5 millions d’Euros de dégâts. Bref rien ne s’est passé comme prévu par le schéma directeur. Des dizaines de milliers d’Euros dépensés inutilement.

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Face à cette situation le Grésivaudan jette l’éponge et projette de repasser la compétence au SYMBHI. Délibération prise le 29 janvier 2018.

A partir de là de nombreuses questions se posent :

Quelles sont les responsabilités respectives entre les propriétaires et la collectivité dont relève la compétence GEMAPI ?

Quel rôle vont jouer les Associations Syndicales ?

Comment seront prises les décisions ?

Qui va décider du montant de la taxe GEMAPI ?

Qui va évaluer les risques ? Quelle autorité va autoriser l’urbanisation ?

Comment les populations seront-elles protégées ?

Qui va assurer la surveillance du ruisseau et son entretien régulier ?

Qui va décider des travaux à effectuer?

Quelle est la responsabilité des maires ?

Faudra-t-il imiter le conseil municipal de Villard-Bonnot qui a pris la décision d’entreprendre des travaux de sécurisation sur les trois cours d’eau de son territoire ? Au risque pour les contribuables de payer deux fois pour leur sécurité ?

Que devient l’esprit de la compétence GEMAPI qui visait à responsabiliser les EPCI, éviter l’urbanisation de zones dangereuses et protéger les habitants de leurs territoires si elle se situe au niveau départemental ?

Les plus grosses alertes de ces 30 dernières années sont dues à des embâcles ou des glissements de terrain sur le ruisseau de la Gorgette en amont de la cascade de Craponoz. Son entretien incombe normalement au service RTM (Restauration des Terrains en Montagne). C’est la même question qui se pose pour le Manival, ce service de l’État aura-t-il les moyens de faire les travaux nécessaires ? Le désengagement systématique de l’État comme on a pu le voir avec l’arrêt de l’assistance technique aux collectivités par la DDE (les anciens « Ponts et Chassées ») fait craindre le pire.

Il n’est pas question de nier les risques mais justement ne faut-il pas rapidement prendre des dispositions pour effectuer une surveillance et un entretien régulier du cours du ruisseau. Si on attend sans rien faire sous prétexte qu’un aménagement est prévu on risque la catastrophe. On peut d’ailleurs logiquement se poser la question concernant le bien-fondé du projet concernant le ruisseau de Bernin entre le Pont du Plâtre et le Pont de l’Europe. Des travaux d’entretien sont nécessaires pour renforcer certains points, éviter le rehaussement du lit, éviter de couper inutilement des arbres. Mais là encore nous ne pourrons nous faire une opinion fondée que si les collectivités jouent totalement la transparence et ne prennent pas systématiquement les administrés pour des idiots !

Et ceci pour une quarantaine de cours d’eau sur le Grésivaudan dont le Manival, le « Mauvais Torrent » qui peut faire des ravages !

Finalement au bout de cette petite enquête j’ai plus de questions que de réponses !

Jean-François COMTE, février 2018

Commentaires

Je viens de lire l'article de JF COMTE sur le CROLLOIS.

Très bien et conforme à mon point de vue, en tant qu'élu au Syndicat des DIGUES & CANAUX de BRESSON à ST ISMIER.

Sauf une erreur de périmètre en parlant du dossier d'études réalisé pour 250 000€ et dont les travaux sont en attente :

· il va du pont RD 1090 au pont de l'Europe

· le pont du plâtre est situé au milieu

Par ailleurs, notre article au titre de BERNIN 2020 est en cours :

· il dit la même chose mais vu différemment

· titre "la patate chaude''

Sincères salutations.
Jean-Claude VOLLERY

Écrit par : Vollery | 02 mars 2018

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