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22 avril 2014

Urbanisme commercial crollois : captation de chalandise ou captivité de la communauté ?

La commune de Crolles s'est longtemps battue pour obtenir le label de "pôle de centralité" du Grésivaudan. C'est à ce titre notamment qu'elle promeut largement sur son territoire le développement d'enseignes et de surfaces commerciales nouvelles. Cette politique n'est pas sans conséquences sur le territoire communautaire : le bouleversement politique à la tête du Grésivaudan donne l'occasion d'en provoquer la mesure.


Crolles, pôle de centralité et captation de chalandise

Pendant les quinze dernières années, Crolles s'est battue pour attirer sur le territoire de la commune de grandes enseignes.  L'avenue Ambroise Croizat, initialement bordée de petites industries fournisseurs, sous- et co-traitants des grandes entreprises locales - ST, Tesseire, Petzl- s'est ainsi transformée peu à peu en réplique de l'avenue Gabriel Péri de Saint Martin d'Hères.

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Notre Blog a largement détaillé certaines batailles de cette lutte ardente pour la centralisation de l'équipement commercial. C'est ainsi que se sont successivement installés

  • Grand Frais - à l'époque sur un site qui ne devait pas l'accueillir selon le schéma directeur d'aménagement urbain (SDAU) de la région urbaine grenobloise et dont a été autorisée la reconstruction après sinistre par une procédure précipitée et irrégulière,
  • Gifi et Besson -dans un secteur qui n'aurait pas dû accueillir de telles surfaces selon le schéma de cohérence territoriale de la région urbaine grenobloise (SCOT venu remplacer le SDAU), sur un terrain encore pollué et sans respecter leurs engagements environnementaux en matière de construction.

C'est ainsi que Casino a finalement obtenu récemment l'autorisation d'agrandir ses surfaces de vente dans des conditions totalement grand-guignolesques.

C'est ainsi qu'on parle actuellement de l'arrivée d'enseignes qui pourraient modifier l'équilibre du commerce local comme Carrefour Market, Pizza Del Arte et La Brioche Dorée.

C'est ainsi qu'on chuchote encore que le déplacement de la déchetterie de Crolles vise à permettre l'implantation de Boulanger ou de Castorama.

Ces efforts n'auront pas été vains : Crolles a ainsi pu décrocher le label de "pôle de centralité" dans le schéma de cohérence territoriale de la région urbaine grenobloise.En lisant ce document, on découvre qu'est identifié à Crolles "un espace économique et urbain mixte de centralité", le plus grand de l'Isère hors de l'agglomération grenobloise; la commune est ainsi dotée d'une "ZACOM de type 2" appelée à accueillir de grands commerces dédiés aux achats non exceptionnels ; l'objectif affiché est notamment de réduire les déplacements mis en œuvre par les habitants du territoire pour des achats réguliers actuellement réalisés dans l'agglomération grenobloise.

Nouvelles enseignes et nouvelles surfaces commerciales à Crolles : que du bon ?

Comme l'a relevé Philippe Lorimier lors d'une réunion des commerçants, alors qu'il était seulement candidat pour les municipales mais déjà doté des petites fiches réalisées par les services communaux que son prédécesseur affectionnait tant, l'ouverture de Grand Frais n'a pas entrainé de fermeture "nette" d'enseignes à Crolles puisque leur nombre net a cru depuis son ouverture.

Ce constat n'est pas surprenant : le commerce appelle le commerce et les chalands d'une grande enseigne deviennent naturellement ceux d'autre commerces présents dans la zone. Il ne faut certainement pas chercher ailleurs l'origine de la faible mobilisation des commerçants crollois lorsque Grand Frais, commerce hyper-spécialisé susceptible de concurrencer un ou deux commerces locaux seulement, s'est installé... alors que l'arrivée annoncée d'un boulanger industriel spécialisé dans la restauration rapide et le "snacking" et celle d'une grande surface généraliste ont réussi à réunir dans une même action collective des acteurs locaux qui se parlaient moins jusqu'alors.

 

les-vieux-commerces-s-exposent.jpgPour autant, l'"amélioration" locale du tissu commercial est-elle réelle et dotée, comme l'espèrent les élus à l'origine de sa promotion, de si nombreuses vertus que soient justifiées les entorses répétées à la règlementation décrites plus haut ?

 

Un effet mesurable sur la chalandise des commerces du Grésivaudan

En premier lieu, il faut prendre en compte l'évolution constatée de la nature des commerces eux mêmes : une enseigne nationale n'est pas un artisan-commerçant local. De cette lapalissade, force est de tirer quelques conséquences particulièrement lorsque les produits vendus répondent à des besoins quotidiens, notamment alimentaires. La structure capitalistique et les modalités d'exploitation sont difficilement comparables entre le boulanger local et La Brioche Dorée, entre Le lacet jaune -qui a fermé- et Besson, entre Les Halles de Bernin -qui a fermé- et Grand Frais. La qualité de l'emploi y est également très différente puisque les grandes structures fondent notamment leur rentabilité sur des économies d'échelle qui ne visent pas que les circuits d'approvisionnement ou les bâtiments.

 

Emarche.jpgn second lieu, ceux qui fréquentent le marché ont nécessairement constaté qu'il a profondément évolué au cours des 5 dernières années : le succès croissant d'autres marchés mérite d'être souligné et... analysé, notamment quand ils se tiennent dans des communes où aucune grande surface n'est ouverte le dimanche.

 

 

 photo-8.JPGEn troisième lieu, une telle politique n'est évidemment pas sans effet sur les commerces de proximité dans les autres villages de la vallée. Sur ce point, on ne peut se satisfaire du constat de la seule augmentation du nombre de commerces à Crolles : c'est à l'échelle des zones de chalandise que doivent être mesurées les conséquences des ouvertures d'enseignes à Crolles. La fermeture d'un primeur, d'un boulanger ou d'un magasin de cadeaux dans un village n'est pas sans conséquences sur la vie même d'une commune et l'attractivité de son territoire : l'équilibre parfois fragile de certains peut ne pas supporter la simple présence de commerces nouveaux à Crolles dès lors que s'y trouvent des services équivalents ouverts plus tard et sur le trajet quotidien vers le lieu de travail.

 

 

 

En quatrième lieu enfin, il serait pour le moins utile de vérifier que cette centralisation a les effets escomptés sur la maitrise des déplacements :

  • il n'est pas certain que les déplacements vers l'agglomération réduisent puisque les achats réalisés à Grenoble et dans sa banlieue le sont pour une grande part à l'occasion de trajets dont l'origine est purement professionnelle, vers le lieu de travail quotidien

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  • il est bien plus probable qu'en asséchant le tissu commercial de proximité dans les villages voisins, cette politique crée de nouveaux besoins de déplacements vers des services que l'on ne trouve plus dans la commune.

Finalement, la démarche pourrait faire la preuve d'un égoïsme singulier fondé sur un a priori totalement biaisé : ce qui est bon pour Crolles est bon pour le Grésivaudan. En matière de commerces, c'est sans doute faux et cela mérite en tous cas d'être mesuré.

Une telle démarche pourrait être une bonne occasion de fédérer les artisans-commerçants à l'échelle de la vallée dès lors que c'est bien sur ce territoire que se décide désormais la structuration des services et la répartition des grands commerces.

Puisqu'en mettant notamment fin à la suprématie crolloise dans l'exécutif, les équilibres politiques au sein de la communauté de communes ont été profondément modifiés,  il serait manifestement utile de le vérifier -avec l'aide de la chambre de commerces de l'Isère qui dispose d'études très détaillées en la matière- pour infléchir une politique vraisemblablement délétère pour l'équilibre du territoire.

E. Wormser

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