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16 janvier 2013

Le contrôle citoyen des collectivités territoriales

La démocratie a besoin que les citoyens prennent des initiatives pour le contrôle des collectivités territoriales. Voilà ce qu’explique l’article dont je fais ici une lecture commentée : Pascal CADIEU, N ° 83 • octobre 2012 • REVUE LAMY DES COLLECTIVITES TERRITORIALES.

L’auteur fait le point sur le cadre juridique et la jurisprudence sur la démocratie locale qui reste un « terrain à bâtir », pas très éloigné du système féodal dénoncé par certains lors de l’adoption, en 2002, de ce que l’on a nommé l’Acte II de la décentralisation (l’acte I étant constitué par les lois Defferre de 1982).  

 logo tribunal administratif fr-gre.gif Cadieu n’est pas crollois … mais son article est une source d’inspiration précieuse pour Crolles et le Grésivaudan.  


Cadieu relève d’abord que le juge électoral a construit une démarche consistant à ne pas retenir les irrégularités qui, « pour regrettables qu’elles soient » n’ont pas d’incidence sur les résultats. Dit autrement, le constat d’irrégularités électorales ne suffit pas pour faire annuler une élection. On peut le regretter (la malhonnêteté, même prouvée, reste impunie), ou s’en réjouir (en matière électorale, la justice n’est pas tatillonne). Il y a en particulier quelques exemples fameux de financement illégal de campagnes électorales … sans conséquence sur les heureux élus. La démocratie représentative n’en sort pas grandie.

Concernant le rôle des citoyens, Cadieu titre « De la participation à la défiance ». Le référendum local et les commissions consultatives des services publics locaux (CCSPL, dans les communes de plus de 10 000 habitants) restent sous le contrôle des élus et n’offrent « que peu de place à la participation des habitants.

Le contrôle de légalité (par le Préfet) ne constitue pas un « brevet de légalité ». L’affaire Carignon l’avait démontré en son temps (lire : Avrillier R., Descamps Ph., Le système Carignon, La Découverte, 1995). A toute autre échelle, les lecteurs attentifs du crollois.fr ont découvert récemment un exemple local qui illustre que le contrôle de légalité reste largement perfectible, et qu’il faudrait être fou ou bien particulièrement naïf pour ne compter que sur le seul préfet  pour assurer le contrôle de légalité.

C’est pourquoi, la démocratie a besoin de contrôles à l’initiative des citoyens. Cadieu propose  cette  analyse que je reprends pleinement à mon compte :

D’une certaine manière, « il faut rendre hommage aux pionniers, aux fous. L’actualité les retient peu. Les journalistes s’en servent. Eux, avec les temps ont appris à se servir des journalistes. Au démarrage de chaque affaire, il y a eu, il y a un homme, généralement seul, qui se bat têtu, obsessionnel, contre un système, ses services, ses errances, ses compromissions, ses hommes (...). À Grenoble, à Angoulême et à Nice, ces parcours montrent une méthode adaptable partout. Elle demande peu de moyens, juste de la persévérance. Elle risque de devenir un bon outil de contrôle de l’argent public. Elle est adaptable à toute collectivité locale »[1].

Tour à tour « pathétiques, détestables, ou fins juristes »[2], ces requérants sont, aussi, parfois, désignés d’« habitué du prétoire » ou de « requérant systématique ». Plus sérieusement, compte tenu du faible nombre d’actes déférés au juge administratif par les préfets relevé plus haut, les requérants d’habitude peuvent apparaître comme un palliatif aux carences du contrôle de légalité.

Au-delà des affaires de prévarication, citons quelques projets emblématiques où le contrôle citoyen des collectivités territoriales a été déterminant pour faire renoncer à des décisions contraires à l’intérêt général[3] : la ligne Haute Tension dans les gorges du Verdon, la Rocade Nord de Grenoble, … et, bientôt, l’Ayrauport [4].

A l’actif aussi du contrôle citoyen, mais à un niveau national, il faut mentionner les grands procès menés par des collectifs et qui ont abouti à des avancées règlementaires ou normatives. L’exemple le mieux connu est celui de l’amiante. Le droit de l’environnement s’est aussi en grande partie construit sur des actions citoyennes. 

Le contrôle citoyen est d’autant plus nécessaire qu’il manque cruellement un statut protecteur pour les lanceurs d’alerte. Cadieu explique les limites de la dénonciation. Les fonctionnaires sont tenus de révéler au procureur de la République les faits délictueux dont ils ont eu connaissance dans l’exercice de leurs fonctions. Mais, en pratique, les obligations de réserve et de discrétion, et l’obligation de se conformer aux instructions du supérieur hiérarchique leur interdisent de s’aventurer sur le terrain de la dénonciation des dérives ou des présomptions d’irrégularités.

Privé d’un droit d’alerte, les fonctionnaires sont contraints ou s’astreignent au silence, couvrant, par exemple (pour citer des cas concrets locaux) des pratiques douteuses en matière d’information du public, des citoyens requérants ou même, parfois, des élus (obstruction aux demandes de communication de documents administratifs, diffusion d’informations tronquées ou partiales[5]).

En conclusion, la démocratie participative reste en chantier, nous devons renforcer le contrôle citoyen des collectivités territoriales, c’est à ce prix que l’on pourra recréer de la confiance entre le peuple et les élus.

Hier comme aujourd’hui, « la démocratie n’est efficace que si elle existe partout et en tout temps » (Mendès France).

Francis Odier, janvier 2013



[1] Robert D., Pendant les « Affaires », les affaires continuent..., Stock, 1996,

[2] Lemaire F., Les requérants d’habitude, RFD adm, n° 3, mai-juin 2004

[3] Je donne ici mon avis, conforme à l’avis final rendu sur ces dossiers par la justice et / ou par les collectivités.

[4] Je garde en réserve – pour un autre billet – les exemples crollois.

[5] Voir l’histoire de la Rocade Nord de Grenoble, voir www.lecrollois.fr.

 

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