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11 janvier 2013

Avec la disparition d'Augustin Aymoz, le dimanche 6 janvier 2013, Crolles a perdu sa mémoire

Avec la disparition d'Augustin Aymoz, Crolles a perdu sa mémoire.jpg

Augustin Aymoz avec ses livres, dans un café littéraire du Grésivaudan


Souvenir d'une belle rencontre

Augustin Aymoz 200.jpgLa dernière fois que j'ai vu Augustin Aymoz, c'était juste avant Noël 2012. J'étais passé à l'improviste chez lui, comme je le fais de temps à autre. Il était un peu las. Alors, avec Édith sa femme, nous avons entrepris de lui "réveiller" la mémoire. Si bien que les souvenirs lui sont remontés facilement, cette après midi là. Au début, ils revenaient dans le désordre et puis petit à petit, ils se sont organisés dans sa mémoire. Pour moi, c'était facile, je me souvenais de ses livres. Je pouvais puiser dans ses textes. Je lui ai rappelé sa naissance. Il faisait très chaud le 8 août 1921, lorsque tu es né. Puis, son enfance. A l'âge de cinq ans, tu prends le chemin de l'école à Crolles. C'était celle des garçons bien sûr ?
A l'époque, l'école n'était pas mixte. Le règlement était très strict, il y avait un mur, d'une hauteur respectable, qui nous séparait des filles. C'était une école à deux classes. La petite accueillait les nouveaux venus et la grande nous conduisait jusqu'au certificat d'études.

Augustin m'a alors parlé de son copain. Celui qu'il appelait Jean-Claude et moi Patu.
Jean Claude Paturel 1956.jpgA l'époque, personne n'imaginait que ce garçon disons..."turbulent" deviendrait Maire de Crolles. Il était plus jeune que moi, mais comme il habitait vers le pont de Bernin, il passait devant chez moi, au Fragnès. Alors nous allions à l'école ensemble. Elle était située au centre du village.
Vous y alliez à pied ?
Bien sûr. Des fois, en remontant nous prenions des chemins de traverse...Notre instituteur se nommait Gaston Angelier. C'est lui qui m'a donné l'envie d'apprendre. Et c'est à lui que je dois ma passion pour l'Histoire. Elle a guidé ma vie.

gresivaudan 250.jpgAugustin m'a ensuite p
arlé de son père et de son lien très fort avec la terre.
Il s'appelait Sérafin. Jeune, il était ouvrier aux Papeteries de France à Lancey et ensuite à Brignoud. Puis, lorsqu'il épousa Germaine, ma mère, il a eu le choix entre "l'Usine et la Terre". Elle était l'héritière d'une petite exploitation que lui avait léguée Auguste Gavet, mon grand-père maternel. Sérafin, par soif d'indépendance et de liberté a choisi "la Terre". A cette époque, une petite exploitation au Fragnès était viable.

La grande fontaine.jpgAugustin, a ensuite évoqué son chemin de vie.
J'ai eu mon certificat d'études en 1933. Normalement, pour les ruraux, c'était le terme des études. Il n'était pas question, pour un fils de paysan, d'abandonner la terre de ses ancêtres.

Mais c'est pas tout à fait le chemin que tu as suivi ?
J'ai quitté l'école de Crolles et j'ai continué mes études en suivant des cours par correspondance, tout en travaillant la terre, dans la petite exploitation familiale.

Et tu as traversé comment la guerre ?
equipe foot 1945.jpg
Je me rappelle de la date, c'est 1er septembre 1939 que la guerre est arrivé à Crolles. Puis rapidement, c'est l'armistice. Le 25 juin 1940 exactement. C'est ce qui m'a dispensé d'un appel sous les drapeaux. De Juillet 1941 à Février 1942, j'ai dû effectuer un service de 8 mois dans les "Chantiers de Jeunesse". Par la suite, j'ai eu la chance d'échapper à la "Relève" et au Service du Travail Obligatoire (STO). Donc, pendant la guerre, j'ai toujours travaillé à la ferme. Je n'ai vu les Allemands qu'une seule fois. Ils passaient en convoi militaire sur la nationale... C'était une période de grande restriction...J'étais jeune et il n'y avait pas beaucoup de distraction. Nous étions privés de bal du dimanche, de vogue, de match de foot... Il n'y avait plus de fête populaire.

Je me suis laissé dire que vous organisiez des bals quand même ?
C'était des bals clandestins, dans des granges, dans les foins, mais c'était rare et compliqué.

Alors, vous vous êtes rassemblé au sein d'une association ?
TPLG3.jpgOn a voulu s’organiser pour créer de
s animations entre jeunes du Brocey et du Fragnès. Et comme j'étais instruit, les copains m'ont nommé secrétaire de T.P.L.G.
Cela voulait dire quoi T.P.L.G. ?
C'était de l'humour de potache : "Tout pour la Gueule". A la fin de la guerre, en 1953, cette association est devenue célèbre car elle a présenté des candidats à la mairie. Et ils ont été élus...avec à leur tête un certain Paul Jargot et un nom moins certain Jean Claude Paturel. Mais, ceci est une autre histoire...

Augustin Aymoz a la ferme d'Antan.jpgLa paix revenue, tu reprends tes cours ?
Oui, et je m'oriente vers la gestion et la comptabilité. La petite exploitation familiale n'était plus viable...Sentimentalement, cela me peinait...Mais je comprenais...C'était un mal nécessaire... J'ai fait le choix de quitter la Terre...

Puis, je me suis marié avec Edith et nous avons eu 3 enfant, Elisabeth, Pascal et Philippe.

Tu vas quand même rester dans l’agriculture, puisque tu vas entrer à la Fédération des Coopératives et ensuite au Crédit Agricole ?

C'est en juin 1956 que je vais quitter vraiment la terre. Quand je suis embauché aux services comptables de l'usine Kuhlmann à Brignoud. C'était l'ancienne usine Fredet. Elle deviendra par la suite Ugine-Kuhlmann, puis Péchiney-Ugine Kuhlmann et, en 1983, Atochem, filiale d'Elf Aquitaine.
Pot de depart retraite Augustin Aymoz.jpg

C'est avec le nom "Usine Atofina de Brign
oud" qu'elle va fermer en 2004, cela t'as fait un choc ?
Non pas trop à ce moment là, car
j'étais déjà à la retraite depuis une dizaine d'années, mais c'est quand elle a été livrée à la démolition que j'ai été très choqué.
Tout a été rasé. Un seul bâtiment en marque le souvenir…

ATO casse550.jpg

Claude Muller

Lire la suite de ce portrait avec La grande blessure d'Augustin Aymoz

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