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18 janvier 2012

Le sel et la gabelle de l'urbanisme à Crolles


construction4.jpgCrolles est riche : elle le clame assez fort lorsqu'elle investit "cash" dans une brasserie installée dans une ancienne gare ou dans un parc public somptueux dont nous saurons un jour s'il est somptuaire...
Crolles est convaincue et militante en matière de développement durable : elle le clame assez fort lorsqu'elle présente un agenda 12, mettant, paraît-il, les enjeux sociaux et environnementaux au coeur des processus décisionnels. La réforme en cours des taxes perçues lors de l'accord d'un permis de construire, un permis d'aménager ou une déclaration préalable de travaux est l'occasion de s'interroger sur la fiscalité locale de l'urbanisme : la commune de Crolles a-t-elle saisi cette opportunité pour donner à l'outil fiscal la finalité que le législateur a souhaité lui accorder ?

La lecture des délibérations prises en ce domaine lors du Conseil municipal de novembre amène tout administré à en douter, voire à s'interroger sur la logique contre-productive poursuivie par leurs auteurs !


Un réforme ambitieuse

construction1.jpgLa réforme en cours va permettre de remplacer par une taxe unique -la TA- et selon un calendrier assez complexe, les TLE, TDCAUE, TDENS, PNRAS, PAE, PRE. Ces acronymes barbares servaient de support aux taxes et participations perçues par les collectivités pour financer des investissements publics rendus, directement ou à la marge, nécessaires par les projets de construction et d'aménagement des administrés. S'il a simplifié le mécanisme en réduisant le nombre de sigles, le législateur a entendu faire de la TA un outil d'aménagement urbain et de politique du logement social en laissant aux collectivités trois manettes de réglage :

  • le niveau de la taxation, de 2 à 5% et, pour des secteurs nécessitant des investissements importants, jusqu'à 20% à condition de justifier le taux par un prévisionnel de dépenses ;
  • la sectorisation, sur le territoire communal, du niveau de taxes, pour permettre de prévoir des taux faibles dans les secteurs déjà équipés -afin de favoriser encore leur densification et l'utilisation des équipements présents- et des taux élevés dans les secteurs non encore équipés, à la fois pour décourager leur ouverture à l'urbanisation et pour y financer des investissements nouveaux qui seront élevés ;
  • la possibilité d'exonérer partiellement ou totalement certains types de construction, notamment petits commerces et logements sociaux.

poker1.jpg
Comment Crolles a-t-elle fait usage de ces "manettes" ?
A-t-elle fixé les montants "au doigt mouillé" ou bien a-t-elle profité de l'opportunité offerte aux communes d'utiliser la fiscalité comme outil d'aménagement urbain ?


Le poker
... C'est ce qui ressort de la lecture des deux délibérations de novembre, la première fixant le régime général de la taxe, la seconde portant spécifiquement sur la taxe perçue pour les places de stationnements extérieures. Les délibérations sont tellement taiseuses sur l'origine des choix retenus que j'ai demandé à la commune copie de la note de synthèse adressée au élus pour préparer ces décisions.

 

Quelle grille d'analyse retenir ?

Sur le taux de 5% retenu :

Pourquoi 5% et pas 2 ou 3 ou 4% ? L'argument est désarmant : parce que -je cite- ce niveau de taxe est "similaire à celui de la TLE" actuellement perçue. L'assiette de la TA est pourtant bien plus importante et les surfaces taxées seront plus nombreuses -notamment les caves et les garages fermés des maisons individuelles ; la ressource fiscale augmente donc ... alors que tout indique que la charge des investissements publics de développement urbain doit, elle, diminuer. Plutot que de choisir un taux sur la base de données de gestion, on reprend donc le taux historique, quand bien même la donne a changé.

Pourquoi 5% partout ? Pas d'explication officielle sur ce point qui aboutit pourtant à taxer autant les projets densifiant le tissu urbain existant sans rendre nécessaires de nouveaux investissements publics et ceux qui, au contraire, participent à l'étalement urbain dans des zones rendues récemment constructibles par le PLU, autour du parc Paturel notamment. L'article L331-14 permet pourtant de faire varier, entre différents secteurs et sans justification précise, les taux entre 1 et 5%.

Pourquoi 5% et pas 20% dans les secteurs où tout est à faire ? Pas d'explication officielle sur ce point, mais là on devine l'explication implicite : dès qu'on dépasse 5%, il faut -je cite- motiver la décision en décrivant "les investissements substantiels de voirie, de réseaux et d'équipements généraux sur un secteur géographique précis". Quelle horreur pour nos élus ! Il faudrait donc décrire des dépenses justifiant les recettes perçues ! Il faudrait adopter un taux en réflechissant vraiment à ce qu'on fera des sommes récoltées !

Sur les exonérations facultatives mises en oeuvres :

janvier12.jpg

Ce qui est possible : les exonérations susceptibles d'être mises en oeuvre figurent à l'article L331-9 du Code de l'urbanisme... Elles peuvent être partielles ou totales, notamment pour les logements sociaux n'en bénéficiant pas "de droit" et pour les commerces de petite dimension.

Ce qui a été retenu : s'il faut saluer ici l'exonération totale de taxe d'aménagement pour les logements très sociaux, force est aussitot de regretter la demi-mesure adoptée pour les logements financés par "PTZ+" -30% alors que 50% étaient possible- et, surtout, de déplorer l'absence d'effort en faveur des petits commerces au développement desquels la commune affirme pourtant aspirer.

Et sur le stationnement ?

Ce qui est possible : cette taxe, forfaitaire, est dûe pour les places de stationnement extérieures réalisées pour répondre aux obligations fixées par le PLU. Pour les logements et un peu comme la TVA, elle est donc "anti-sociale" car pour tout logement, social ou non, une place de stationnement au moins est exigée... mais cette variabilité a été créée par le parlement pour éviter le développement des "flaques de parking" en entrée de ville, qu'on connait d'ailleurs bien à Crolles puisqu'elles sont montrées du doigt dans le rapport de présentation du document local d'urbanisme.  La commune peut choisir la valeur de la place entre 2000 et 5000 euros par place, à laquelle on applique le taux du secteur -donc 5% à Crolles.

Ce qui a été retenu : la valeur maximale, tout simplement ! Et la motivation de cette décision -puisque cette fois on a une explication- laisse pantois : "Le principe de cette taxe est la réduction des espaces consommés là où il est très fréquent que les garages des habitations soient transformés en partie habitable et entrainant ainsi la multiplication des stationnements sur les espaces extérieurs. Cette taxe participera donc à la gestion économe des espaces." La somme perçue pour ce type d'opération s'élèvera donc à 250 euros... soit le prix du papier peint utilisé pour transformer le garage en chambre cosy pour le dernier né... Elle n'aura donc aucun effet dissuasif sur la transformation du garage en surface habitale, et ce qui est d'ailleurs heureux car un tel aménagement relève bien de la gestion économe de l'espace bati en laissant les voitures à l'extérieur des batiments, par exemple sur des places de stationnement qui peuvent ne pas être imperméabilisées ; elle sera en outre très rarement exigible pour les propriétés les plus concernées par ce type de réalisation, souvent dotées d'un nombre "surnuméraire" de places dans la cour ou le jardin par rapport aux exigences du PLU. Bien sûr, faute de sectorisation, rien n'est prévu pour contraindre les "flaques de parking" d'entrée de ville.


Que conclure ?

Voici deux décisions

  • qui ne sont pas fondées sur une analyse actualisée de besoins financiers et taxent au niveau le plus élevé les contribuables locaux,
  • ne répondant pas aux objectifs d'urbanisme qu'affiche la commune en matière d'économie foncière,
  • ne favorisant ni le logement intermédiaire (PTZ+) ni les petits commerces autant qu'elle en avait la possibilité,
  • taxant au contraire les créations de logement nouveau -social ou non- sous couvert, bien hypocrite, de la lutte pour la réduction des consommations d'espace !

 

Une confirmation hélas : les objectifs décrits dans le PADD, qui devaient irriguer toute la politique communale en matière d'urbanisme, relèvent bien du voeu pieux... Tout point commun de cette situation avec les suites données à l'agenda 12 n'est sans doute pas fortuite !

 

Emmanuel Wormser

PS : pour tout savoir -ou presque- sur cette réforme, un très bon support de formation, émis par le ministère, est accessible à cette adresse

 

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