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25 octobre 2011

J'ai mal à ma dette

jeux 1.jpgLa question de la dette est à la mode. Les nations européennes s'inquiètent des soubresauts de l'économie grecque et, surtout, de la capacité des Hellènes à rembourser ce qu'elles leur ont prêté ; des chefs d'entreprise regrettent que les banquiers ne fassent plus leur métier de soutien de l'économie par l'investissement ; des individus passent le seuil de la grande pauvreté à force d'accumuler des crédits à la consommation qui ne servent plus à payer des besoins mais à rembourser d'autres crédits.
Qu'en est-il pour notre bonne commune de Crolles dont les élus ressassent chaque année que les investissements sont faits sans emprunt nouveau mais dont l'endettement est montré du doigt car en partie constitué de dettes « toxiques » ?

jeux 2.jpgLa dette publique n'est pas une mauvaise chose

Chaque année, lorsqu'est voté le budget communal, les conseillers municipaux de Crolles se félicitent de financer les investissements sans recourir à l’emprunt. (JM 04-2008, p.8).
Est-ce à dire que s'endetter, quand on est une collectivité, c'est mal ?

Dans un excellent article publié dans une lettre de l'OFCE
, résumé dans Agoravox, Jérôme Créel et Henri Sterdyniack affirmaient que le raisonnement sur l’endettement public est erroné, et qu'il faut plutôt raisonner « en termes d’efficacité et de productivité des dépenses publiques. Autrement dit, il faut considérer la dette publique comme créatrice de richesses soit directement, soit parce qu’elle permet l’existence et l’entretien d’infrastructures. La dette publique a une contrepartie qui est constituée d’actifs détenus par les ménages. (…) S’il y a dette, il y a créance aussi pour ceux qui ont prêté, (...) qui générera dépenses privées et entrées fiscales. La baisse des dépenses publiques se traduirait par un effet dépressif sur la croissance, car toute dépense crée de l’activté. Dire que chaque nouveau-né français est endetté à hauteur de 17 000 euros est vrai et faux. Car en face il dispose d’infrastructures : routes, hôpitaux, écoles... (...) La richesse de chaque nouveau-né à sa naissance [est évaluée] à environ 166 000 euros (somme des patrimoines publics et privés divisée par le nombre d’habitants). Parler de la dette sans évoquer les infrastructures et l’activité qu’elle finance et dont tout le monde bénéficie est bien peu sérieux. ». Les auteurs concluaient à la nécessité d’une dette publique pour soutenir l’activité économique.
J'adhère totalement à cette analyse, et, keynésien convaincu, reste persuadé qu'un interventionnisme raisonné et raisonnable de la collectivité est un excellent moyen de relancer l'économie.
Plus encore, il me semble aberrant pour une collectivité d'investir sans emprunter ; au contraire des finances familiales et au nom du principe constitutionnel d'égalité des citoyens devant l'impôt, la collectivité doit permettre à chacun de payer les services rendus par les équipements en fonction de leur usage effectif ; une autre différence cruciale avec les décisions d'investissement des particuliers est qu'un bien public n'est pas susceptible d'être revendu et, même en cas de coup dur, il restera d'usage collectif. Dès lors, payer « cash » un gymnase ou une toiture photovoltaïque, c'est faire payer aux contribuables d'aujourd'hui, par l'impôt local, un équipement utilisé par les générations suivantes, amorti sur plusieurs années voire rentabilisé sur une période connue dans le cas de l'installation photovoltaique si on la met en marche bien sûr (voir les PV de Léo)... Ainsi, l'endettement communal sur 20 ans pour un gymnase est normal, et emprunter sur 50 ans pour réaliser une déviation est de bonne administration.

Libe Dexia.jpgQuand la dette intoxique

Pour autant, l'actualité nous informe assez que la dette publique peut s'avérer catastrophique dans certains cas. Si l'endettement de la collectivité est a priori vertueux, comme on l'a vu précédemment, il devient toxique pour l'ensemble du corps social dans des situations parfaitement similaires à celles qui caractérisent l'endettement individuel quand il devient insupportable
En simplifiant à l'extrême, on rencontre trois situations d'endettement toxique pour un particulier : la dette est contractée en situation de surendettement pour rembourser des dettes antérieures ; la dette est contractée sur un taux d'emprunt très élevé ou non maîtrisé qui va rendre les échéances  insupportables ; la dette est contractée pour financer un bien que le particulier ne pourra pas entretenir faute de moyens et qui n'est pas susceptible d'être revendu en cas de coup dur... Bien sûr les motifs se combinent souvent pour aboutir au surendettement qu'on connaît.
Pour la collectivité, la donne est la même quand la dette ne finance pas d'actifs -collectifs en particulier-, quand elle est fondée sur un taux non prévisible et quand elle a financé un équipement démesuré en coûts de fonctionnement futurs.

 A Crolles, qu'en est-il alors ?

« A Crolles, on paye cash » pourrait être la devise du Conseil Municipal. J'ai assez dit plus haut qu'une telle démarche est malsaine en terme d'égalité des administrés devant l'impôt sur le long terme. Elle l'est plus encore quand la commune se dote d'équipements somptueux -quelle autre collectivité française de 10 000 habitants -mais même de 100 000!- aurait osé, entre 2010 et 2013 et alors que la crise mondiale faisait déjà des ravages, prévoir de dépenser près d'un million et demi d'euros pour un parc public, aussi beau soit-il ?- masquant une crainte de chute brutale des recettes futures en cas de départ d'un industriel par exemple et éclipsant l'incapacité prévisible de la commune, dans une telle situation, de faire fasse à des échéances d'emprunt... Une telle démarche ne procède-t-elle alors pas de la politique de l'autruche et, pire encore, ne fait-elle pas fi des frais de fonctionnement -gardiennage, nettoyage, fluides...- des installations qui, elles, perdureront ?

dexia 1.jpgMieux encore, Crolles -comme la communauté de communes Le Grésivaudan- a été citée dans un article du journal Libération faisant l'inventaire des communes touchées par des emprunts toxiques de Dexia. Comment une commune ayant fait du sous-endettement son credo le plus absolu a-t-elle pu, en 2010 alors qu'on connaissait déjà la toxicité de certains taux proposés, restructurer sur ce type de support des engagements d'emprunt contractés pour réaliser la déviation ?

Avec des frais de fonctionnement d'équipements susceptibles de fragiliser l'économie future de la commune et une dette, même de faible montant, contractée sur un taux variable et non maitrisable pour financer un actif qui ne verra jamais le jour, aurait-on ici tous les ingrédients d'un endettement toxique ?
Ces questions en amènent une autre très simple : la commune de Crolles a-t-elle réellement, dans l'expression de ses choix d'investissement et d'endettement, une vision durable de son futur ?
C'est l'avenir qui nous le dira.

Emmanuel Wormser

 

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