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03 septembre 2016

L'été du tigre

Accablé par la chaleur, je traînai en manque d’inspiration au bord de la piscine chez des amis. Au deuxième apéritif, ou peut-être au troisième verre, le récit de nos mornes vies étant épuisé, la discussion s’anima et nous en vînmes à parler de choses sérieuses. Je dirais même, de choses piquantes. Car le tigre était là. Repu de notre sang.

Il faut une loupe pour en avoir la preuve et nous l’avions. La bête doit être capturée et elle le fut, plutôt morte que vive. Alors, la réalité, effrayante, s’abattit sur nous et il y eut un silence. Voile du déni évanoui. Il n’y a pas si longtemps, une dizaine de milliers d’années à peine, le Grésivaudan était écrasé par les glaces. Mais ce soir d’été 2016, c’est un moustique tropical qui m’arracha un juron de rage dans un vain sursaut, bien sûr trop tardif.

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J’avais vaguement entendu dire qu’il était arrivé dans le grenoblois. Mais avec l’insouciance du botaniste qui gambade dans les prairies sèches des coteaux, je le pensais cantonné aux zones humides de Meylan La Plaine Fleurie. Crolles, carrefour de la vallée, carrefour de distribution, n’est pas à l’abri des bêtes invasives.

Il est venu par les chantournes, sautant de fossé en fossé, ou bien confortement installé à l’arrière d’un véhicule  luxueux, ou porté par un vulgaire pigeon, nul ne le sait. Une chose est sûre cependant : il a oublié de prévenir. Une recherche rapide (« moustique tigre Crolles ») me conduit sur une actualité de la ville : « Moustique à crolles, où en est-on ? ». C’est rigolo, comme pour les rats, qui sont nombreux dans les carrefours, il y a le moustique des champs (Aedes) et le moustique des villes (Culex). Le rédacteur anonyme, sympa mais enduit dans l’erreur, veut rassurer et freiner l’ardeur des citoyens qui voudraient pulvériser à tout va des insecticides : « L'utilisation d'insecticides contre les adultes est maintenant réservée à la lutte contre le moustique tigre qui n'est pas présent jusqu'à maintenant sur la commune. » Le tigre ne s’est pas fait connaître auprès des autorités municipales, mais il est bien là, avec ces pattes zébrées si caractéristiques.

Mon récit tigré pour lecrollois.fr commençait à prendre forme, tout en restant dramatiquement incomplet. Allons, je ne suis pas naturaliste. Il faut une dimension politique !

Quelques jours ont suffi, la politique a sonné à la porte. Ou plutôt, un de ses représentants. Voici un agent de l'Entente Interdépartementale Rhône-Alpes pour la Démoustication (EID) qui mène l’enquête. Voyez comme la puissance publique est réactive ! Notre homme a ouï dire que le tigre sévissait dans les parages. Il traque l’eau stagnante, fait le tour de la maison, prodigue ses conseils et ne trouve rien. Le soir, intrigué par cette visite, après avoir bien lu le prospectus de l’EID, je me mue à mon tour en chasseur de foyers à moustiques. Je ne tarde pas à en trouver auquel je m’attaque fissa.

Ce fut ma contribution citoyenne de ce jour-là. J’étais le colibri, asséchant une minuscule flaque, comme vidant la mer avec une cuiller, sans aucun espoir de produire une quelconque atteinte à la population explosive de cette satanée bestiole, potentiellement porteuse des virus de la dengue, du chikungunya, du zika et peut-être d’autres joyeusetés que nous ignorons encore.

C’est la morale du tigre : fais ce que tu dois faire, quel qu’en soit l’effet. Que chacun prenne sa part. Autrefois, chacun déneigeait le bout de trottoir devant sa maison. Maintenant, on tue le moustique. Les temps changent, pas tant que ça.

Francis Odier, 3 septembre 2016

 

Les sites officiels : http://www.signalement-moustique.fr/signalement_albopictus/

www.moustiquetigre.org

La page crolloise : http://www.ville-crolles.fr/news/getnews.php?file=n_1129....

20:17 Publié dans Environnement | Lien permanent | Commentaires (0) |

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