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25 mai 2016

Loup Patou Tabou

Les voyages forment la jeunesse, a dit le professeur. Alors, j’ai pris le baluchon et je suis parti. Chez nos cousins sardes. Ce que j’ai vu est stupéfiant. J’étais comme euphorisé. Les chèvres en liberté peuplent la montagne. Les moutons vaquent en paix. Sur cette île autrefois connue pour ses brigands, le loup est inconnu. Chèvre sarde.JPG

Alors, tout est prêt pour le cercle vertueux. Pas de loup, pas de patou. Pas de menace, pas d’agression, pas de conflit. Bergers, ovins et randonneurs cohabitent paisiblement, pour le plus grand bien de tous. Quel contraste avec nos montagnes et nos alpages ! Ici, troupeaux et bergeries sont gardés en permanence par des molosses vigilants qui ont à cœur de signaler leur présence à l’intrus.

patou-©-J_L_-Borelli-FERUS.jpg

 Nous voulions les loups ? Nous avons les patous et le sujet est tabou.


Il faudra bien, un jour, sortir du déni : si le loup, dont on parle tant, est rare et furtif, le chien berger se croise en abondance et n’est jamais discret ! Je ne suis pas seul avec mes mésaventures patouesques, il suffit de marcher quelques heures ou de cliquer deux ou trois fois pour s’en convaincre. Le discours officiel est rassurant, mais au mieux cynique, au pire mensonger. Il conviendrait, nous dit-on, de contourner le troupeau. La belle affaire ! En réalité, les chiens ne craignent pas de parcourir quelques centaines de mètres pour aller dissuader le passant. Et quand ils sont chez eux, dans la ferme, on voit mal comment le promeneur, à pied ou en vélo, peut s’écarter de la route et pénétrer dans les champs pour contourner un troupeau invisible car parqué.

Extrait BD patou.pngJ’en ai encore fait l’expérience récemment, en Ubaye. Une fois l’alerte passée, je fis observer poliment à l’agriculteur que ses chiens étaient quelque peu agressifs. Il démentit, avec un sourire narquois, affirmant, contre toute évidence, que les bêtes étaient gentilles … sans doute car elles n’avaient encore jamais mangé personne.

Les conseils prodigués aux randonneurs sont édifiants. Quoi qu’il arrive, vous serez responsables … d’être trop près, d’avoir surpris le chien, de le regarder dans les yeux, d’avoir un geste brusque, de mal réagir, d’avoir peur …

Je vous conseille la BD de la Pastorale Pyrénéenne, vous comprendrez vite. Voilà la doctrine : le chien fait son boulot, débrouillez-vous avec.

Prenons du recul. Que s’est-il passé ? Les bergers sont furieux. Ils ruminent leur colère et leur rancœur contre les urbains, les touristes, les écolos qui ont apporté le loup dans leur sillage. Reclus sur leurs terres, désavoués par l’opinion dominante, ils manifestent comme ils peuvent. Et tant pis pour le pèlerin effrayé qui na ka être plus malin ou moins couard.

L’engrenage est engrené et je sais qu’il est trop tard. Les patous sont dans le paysage. Nous devons maintenant cohabiter pendant plusieurs générations. Mais peut-être pouvons réfléchir et en tirer leçon pour d’autres circonstances. Une violence est née. Loups et patous se sont multipliés ensemble, en symbiose, comme le papillon et l’orchidée, le narcotrafiquant et le policier et bien d’autres paires magiques ou infernales qui font société.

L’Etat, la puissance publique, qui devait réguler et protéger l’intérêt général n’a rien vu venir, a réagi trop tard et maladroitement, en cherchant les boucs émissaires, un jour les chiens errants, le lendemain les loups, quémandant en vain le silence des bergers avec des indemnisations réputées généreuses, abandonnant le peuple des randonneurs à la jungle canine. Hypnotisés par la liberté sauvage du gris Canis lupus, nous avons manqué les méfaits du docile toutou familiaris.

Ségolène, on ne te demande pas le droit de tirer des coups de fusil ! On te demande surtout d’arrêter la construction des murs d’incompréhension, de ségrégation et bientôt de violence et de haine entre bergers, naturalistes, randonneurs. Le loup est la source des discordes, mais la mort du loup n’est pas la meilleure solution. Voit ces patous, doux avec les agneaux. Pourquoi faudrait-il taire leurs crocs menaçants ? Quel est ce monde qui ne sait pas donner une liberté sans créer de conflit ?

Berger, mon ami, ne craint pas que j’approche ton troupeau. Apprivoise-moi et nous serons alliés pour la paix et la vie en montagne.

Francis Odier, 24 mai 2016

 

Pour la défense du Loup : http://www.ferus.fr/   et    www.sfepm.org (Société Française pour l’Etude et la Protection des Mammifères)

Plaquette FERUS.   Plaquette SFEPM.

loup-don.jpg

Pour la défense du Randonneur :

La pétition initiée par un crollois : www.change.org/fr/pétitions/mme-ségolène-royal-ministre-d...

Le débat sur la pétition : http://www.skitour.fr/forum/read_250354.html

http://www.randonner-malin.com/les-patous-un-danger-pour-...

 

Pour la défense du Berger et du Patou :

http://www.pastoralepyreneenne.fr – avec une BD à télécharger

Propositions pour la paix dans les alpages et la discutaille dans l’agora montagnarde :

Revoir la communication grand public avec un souci de sincérité (notamment les panneaux qui annoncent les alpages) : écrire que le patou peut être agressif et effrayant, rassurer en indiquant qu’il n’y a pas eu d’accident mortel (ni par patou, ni par loup ou ours).

Solliciter les organisations professionnelles agricoles et du tourisme pour qu’elles mènent une campagne de sensibilisation auprès des bergers et agriculteurs sur le caractère effrayant, et parfois dangereux, des chiens de protection.

Mettre en place des aides et subventions favorisant la présence humaine dans les alpages. En Auvergne Rhône-Alpes, mobiliser une partie des fonds prévus pour le « plan neige » : mieux vaut rémunérer des bergers que des terrassiers et des fabricants de canons à neige.

Créer des postes d’aide-berger (garde patou) en service civique – avec une mission d’accueil et d’information des randonneurs sur le pastoralisme.

Interdire la divagation des patous. Instaurer un couvre-feu pour les patous.

Zoner une partie du territoire, avec des vallées zéro patou, des royaumes du loup et des terrains d’aventure sans pastoralisme.

Agiter le bâton et la pédagogie en responsabilisant les maires sur les agressions canines commises sur leur territoire. Au titre de la responsabilité « sécurité » du maire, on pourrait envisager une amende assez élevée payée par la commune en cas de morsure par un chien sur un chemin ou un terrain public (en complément de la condamnation symbolique et financière du propriétaire).

Autoriser le tir du loup à proximité des alpages – ce qui ne mettra pas l’espèce en péril, mais réconciliera les bergers avec l’humanité. Je préfère orienter la violence vers le loup (et en faire un bouc émissaire) que rester passif sur un conflit larvé entre les hommes.

Commentaires

Bonjour, tres bel article qui résume bien la situation au quotidien en montagne. Juste une nuance, toute fois, le loup n'a pas été 'apporté' mais il est venu depuis d'autre pays frontaliers. Il n a pas été introduit, il a toute sa legimité d'espece patrimoniale, légitimité qui bien sur engendre des contraintes qu'on se doit de gérer pour garder nos bergers, nos troupeaux et nos paturages.
Géraldine Leduc

Écrit par : Le Duc | 28 juin 2016

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