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03 mai 2012

A Grenoble, le casse-tête des bouchons quotidiens

La semaine dernière, Olivier Razemon, journaliste au Monde, était de passage dans le Grésivaudan. Il présentait le livre qu'il a co-écrit avec Eric Hamelin, "La tentation du bitume, où s'arrêtera l'étalement urbain" paru aux editions "Rue De L'echiquier". En observant la circulation dans la vallée, il a imaginé et publié ce post sur son blog "L'interconnexion n'est plus assurée". Nous le remercions de nous avoir permis de reprendre son article intégralement.

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A Grenoble, les transports ont viré à l'enfer en quelques années

Pare-choc contre pare-choc, pendant une heure, tous les matins. Et presque autant le soir. Les automobilistes qui empruntent l’autoroute A41, à l’est de Grenoble, ne sont pas beaucoup mieux lotis que les habitants de l'Ile-de-France. Le Grésivaudan (aucun rapport avec le Gévaudan), cette vallée de l’Isère coincée entre la chaîne de Belledonne et le massif de la Chartreuse, compte plus de 100 000 habitants, dont 12 300 travaillent tous les jours dans la capitale du Dauphiné. Depuis quelques années, les transports quotidiens ont viré à l’enfer.

Bénéficiant d’une certaine attractivité mais contrainte par le relief, Grenoble s’est étalée dans les vallées avoisinantes. Dans le Grésivaudan, des lotissements ont poussé aux abords des villages, les routes se sont élargies, les élus ont encouragé le développement de zones industrielles. Crolles, la commune la plus peuplée de la vallée avec ses 8 600 habitants, accueille depuis 2003 une unité de ST Microelectronics, le géant franco-italien des semi-conducteurs. Dans la commune voisine, Bernin (3 000 habitants, 16 km de Grenoble), une résidente "ne se sent plus à la campagne". Et l’autoroute est saturée.

Grenoble-2012-024-150x150.jpg"Le pire moment, c’est à la sortie des écoles, vers 8h30", témoigne Jean-Hugues Bosset, salarié à Grenoble et habitant de Bernin. Après avoir déposé leur enfant à la maternelle, les automobilistes s’engouffrent dans le trafic. Certains matins pluvieux, les bouchons commencent juste après le péage, à 13 km du centre-ville.

Les habitués déploient diverses stratégies, exactement comme le font les Franciliens. Partir plus tôt, rentrer plus tard, ou passer par les petites routes. Mais ce dernier choix contribue à la congestion du trafic et désespère les néo-villageois, qui s'étaient installés dans la vallée pour se rapprocher de la nature. Laurence Bellicard, maire de Bernin, se souvient : "voici encore dix ans, je profitais de ma terrasse donnant sur la route départementale. Mais avec la circulation, le bruit et la pollution, je n’y mets plus les pieds".

Armée mexicaine

L'élue prépare un plan destiné à développer les "circulations douces" dans sa commune. Mais l'enjeu dépasse largement les rues de Bernin. Dans la vallée, la gestion des transports relève de la Communauté de communes, qui réunit les 47 municipalités du Grésivaudan sous l'égide d'une armée mexicaine de vice-présidents. Et il faut compter avec la communauté d'agglomération de Grenoble toute proche, compétente pour les performants bus et tramways, le département, qui gère des lignes de bus et aussi la région, autorité de référence pour les trains.

L'offre de transports publics, pléthorique, est manifestement sous-utilisée. Un jour de semaine, en à peine une heure, pas moins d'une douzaine de bus empruntent la route départementale qui traverse Bernin. On a compté. Certains d'entre eux dépendent du département, d'autres de la communauté de communes. Et alors ? Pas terrible. C'est du doigt mouillé, certes, mais c'est quand même troublant : les douze bus étaient vides, ou presque.

Grenoble-2012-047-150x150.jpgPeut-être les transports publics sont-ils trop chers ? Pas forcément, à écouter Jean-Hugues Bosset, qui délaisse la voiture dès qu'il le peut. Cet habitant des hauteurs de Bernin quitte chaque matin son domicile à vélo, le stationne dans un "parking relais" aménagé par la ville de Bernin puis monte dans l'"Express", un bus direct pour le centre de Grenoble. Le service, qui dépend du département, coûte 450€ par an mais "seulement 100€ si l'employeur a mis en place un plan de déplacement d'entreprise", explique le salarié, qui bénéficie de cette possibilité. "Moins de 10€ par mois pour se déplacer, c'est avantageux", juge l'habitant.

Grenoble-2012-036-300x225.jpgSi les bus demeurent vides très peu remplis, ce n'est donc pas vraiment une question de prix. Les horaires, peut-être ? Pas davantage. A Bernin, l'"Express" passe toutes les dix minutes et même toutes les cinq minutes entre 8h30 et 9h. Le service se révèle plus reposant qu'un trajet en voiture.

En revanche, la durée du voyage n'est jamais certaine, en raison des embouteillages. Car le bus prend l'autoroute. Pour l'instant, malgré l'engorgement de la vallée, aucune autorité n'envisage sérieusement de réserver une voie d'autoroute aux bus, voire aux automobilistes pratiquant le covoiturage. "Les gens ne sont pas encore prêts, c'est impensable", affirment les habitants de Bernin. En attendant, tout le monde continue à prendre la voiture.
Olivier Razemon, journaliste au Monde

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