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05 décembre 2015

Réunion publique sur le PLU de Crolles - 10 novembre 2015

La modification du Plan Local d’Urbanisme, nous l’avions proposée lors de la campagne pour les élections municipales 2014, la voici engagée. L’enquête publique est ouverte depuis ce 30 novembre jusqu’à fin décembre. Pour avoir un avant-goût des intentions de la municipalité, nous étions conviés à une réunion publique le 10 novembre. Je suis arrivé après les préliminaires et, j’imagine, après le mot d’accueil du maire, mais assez tôt pour assister à la présentation et écouter les questions / réponses. Quelques heures auparavant, j’avais lu « Osons, Plaidoyer d’un homme libre », de Nicolas Hulot. J’étais prêt pour participer.

Les élus d’aujourd’hui et d’hier proposent une révision, conscients que leur PLU 2010 mérite ravalement. Très bien. L’objectif est consensuel, comment ne le serait-il pas ? Il s’agit de « Mieux maîtriser l’urbanisme commercial ». Qui serait contre ? Imagine-t-on le maire proposer de « Perdre le contrôle de l’urbanisme … » ?!


Depuis plus de 20 ans que j’erre dans le Grésivaudan, curieux de politique, échouant ici ou là dans des manifestations, je n’ai rencontré ni libéral forcené ni anarchiste déjanté militant pour un urbanisme commercial hors contrôle, détaché de toute réglementation. C’est pourquoi, autant le dire sans détour, un agacement intérieur m’a saisi quand j’ai découvert sur l’inévitable Powerpoint cet objectif de « Mieux maîtriser l’urbanisme commercial », formule creuse, tautologique pour un document réglementaire d’urbanisme, indice certain de langue de bois. D’un coup, la fatigue de la journée s’est dissipée. En vigilance active, j’attendis la suite.

Je n’eus pas à patienter longtemps. Très vite, le maire afficha la couleur. C’est le changement. En 2010, je revendiquai en vain que l’on précisât la taille limite de ces moyennes surfaces commerciales que la commune voulait favoriser. Le PLU resta dans le flou, sans limite, laxiste à donf … et l’on se réveilla un jour avec un Casino agrandi et un projet de supermarché Carrefour dont, officiellement, personne ne voulait.

En 2015, c’est écrit noir sur blanc. Voici les bornes. Pour « encadrer » l’installation des commerces, le PLU modifié limitera les surfaces de vente à 3000 m2 dans les zones UC, UD, UE, c’est-à-dire (presque) partout où les commerçants ont envie de commercer.

J’en suis resté abasourdi. 3000 m2, c’est le seuil de l’hypermarché !

« Osons dire que toutes nos crises n’en sont qu’une : une crise de l’excès. Fixons-nous des limites, car la limite n’est pas une entrave à la liberté mais sa condition ».

L’arnaque est grossière. La disposition technique retenue va à l’encontre de l’objectif affiché. L’assistance n’est pas dupe. « Mais pourquoi vous voulez faire autant de commerces à Crolles ? » demande une ingénue, dérangeante, incontrôlable, perturbatrice, qui en quelques mots ramène le débat à l’essentiel. Tiens, c’est vrai, on aurait pu commencer par-là ! Oui, « pourquoi on continue à ouvrir des commerces ? » renchérit un autre citoyen.

« Vous les jeunes dont l’avenir se dessine et se détermine à ce moment particulier (…) Soyez habités par le pourquoi. (…) Osez plaider et méditer sur la notion du sens ».

Les réponses de la municipalité sont assez simples : « le maire ne peut pas s’opposer à l’installation de commerces » (…) « il manque un magasin de meubles » (…) « on ne peut pas habiller un ado, il y a des besoins non satisfaits dans le commerce des vêtements ».

Pour enfoncer le clou, l’argument massue de l’évasion commerciale refait surface, avec le renfort d’un agent territorial privilégiant la loyauté à son maire plutôt que la neutralité qui sied (en principe) aux services techniques de la fonction publique.

C’est la fuite en avant, la continuation obstinée du projet de ville-cœur, avec un pôle commercial rayonnant sur le Grésivaudan. En 2010, il manquait un magasin de chaussures. Aujourd’hui, ce sont les meubles. Et demain, un parc de loisir ?

« Libérez-vous des influences clandestines qui décident à votre place (…). Méfiez-vous du consumérisme qui s’affiche comme le faux espoir du monde. »

François Brottes, sur sa fin, avec la langue déliée et l’humour caustique du partant, disait qu’ « à Crolles, nous avons tout, il ne manque plus qu’une patinoire ». C’était parole d’expert, j’approuve !

Retour en réunion. Je risque une question technique, manière discrète de revenir sur le cœur du problème : « Du point de vue réglementaire, quelle est la plus petite valeur que l’on pourrait prendre comme limite des surfaces commerciales, au lieu des 3000 m2 proposés ? ». Le maire est affirmatif : « On y est quasiment, 3000 m2 c’est à peu de chose près le minimum ». J’avoue avoir eu quelques doutes … j’aurais aimé que l’urbaniste municipal confirme … mais voilà, par méconnaissance du cadre réglementaire et par respect de l’autorité élue, j’ai laissé filé … ce qui s’avère faux. En réalité, le SCOT fixe un seuil maximum de 3500 m2. Ensuite, le PLU, qui doit être compatible avec le SCOT, peut descendre beaucoup plus bas. Attendons la suite et l’enquête publique pour voir si ce seuil de 3000 m2 est argumenté.

Ne restons pas embourbés dans la zone commerciale car le PLU concerne toute la commune. Et c’est ce que pense cet homme, massif, de la génération Paturel, lorsqu’il prend la parole calmement à 21 h 24 : « C’est bien beau, mais dans tout ça, il est où le centre-ville de Crolles ? ». C’est la magie des réunions publiques. Tôt ou tard, malgré le discours technocratique et le jargon (nous avons eu droit à un nouvel acronyme, l’OAP, comme pour donner l’illusion qu’on va régler les problèmes de la ville avec de la sophistication réglementaire …),  tôt ou tard, donc, un citoyen nous fait redescendre sur terre. Et là, à Crolles, on allait enfin parler du centre-ville, serpent de mer que l’on cherche depuis au moins deux décennies et qu’aucune municipalité n’a réussi à construire, ni même à dessiner.

Alors, il s’est passé ce qui arrive parfois avec une question essentielle : on est passé aussitôt à autre chose car notre homme avait eu la naïveté de poser deux questions en même temps, ce qui a permis au maire de répondre sur le thème qui l’arrangeait le mieux, en l’occurrence la dépollution de l’ancien terrain Nalco.

Ce n’est qu’à la toute fin de la réunion qu’un élu vigilant eu la politesse de revenir sur le centre-ville, en s’appuyant sur l’exemple de Bernin : « on fera vivre les petits commerces en centre-ville en les densifiant ». L’intention est louable et la méthode de densification est réputée efficace. Hélas, je ne crois pas une seule seconde que cela puisse réussir. La municipalité prétend tout faire, mettre des commerces dans la zone commerciale, des commerces dans le centre-village et des commerces dans le futur quartier durable. C’est le non choix … comme si les crollois et leurs voisins du Grésivaudan allaient passer leurs journées dans les commerces, comme si nous étions tous Crésus ou la Bettancourt !

En 2007 déjà, je me souviens bien d’une réunion publique organisée quasiment sur les mêmes sujets : le futur PLU, l’urbanisme commercial. A l’époque, déjà, le débat était sur la table : les habitants demandent des commerces de proximité, est-il bien raisonnable de favoriser l’installation de grandes surfaces ? Je l’entends encore comme si c’était hier : l’argument de la complémentarité. Dormez en paix brave gens, nous ferons les deux, les grands et les petits commerces, nous aimons tout le monde, les petits et les gros. En 2020, j’en fais le pari, pendant la campagne électorale, on parlera du centre-ville, ce graal de l’urbanisme, si proche, si loin.

« La définition de la folie c’est de répéter indéfiniment la même chose et d’attendre des résultats différents ».

En attendant, l’heure tourne. Il faut savoir terminer une réunion. 22 h 28, dans quelques minutes c’est fini. Encore une surprise, je ne suis pas venu pour rien. Nous apprenons incidemment que, sans attendre l’enquête et le vote de la modification n°1, les services étudient une modification n° 2 du PLU qui portera notamment sur des caractéristiques architecturales. Faire et défaire, c’est toujours travailler.

J’irai donner mon avis sur la modification du PLU.

Francis Odier, 30 novembre 2015

Les citations sont extraites de « Osons », Nicolas Hulot, 2015. En voici une petite dernière :

« Pour améliorer la démocratie représentative, il s’agit également de renforcer à ses côtés la démocratie participative, c’est-à-dire l’ensemble des dispositifs permettant l’implication des citoyens dans les décisions. (…) Pour que la participation produise vraiment ses effets bénéfiques, plusieurs conditions doivent être réunies. Notamment, elle doit intervenir le plus en amont possible, dès la réflexion sur l’opportunité d’un projet ou d’un grand choix de société (…) Les méthodes utilisées doivent créer les conditions de l’intelligence collective : information pluraliste et neutre, diversité des acteurs, égalité du temps de parole, outils de coconstruction … ».

14:18 Publié dans Urbanisme | Lien permanent | Commentaires (0) |

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