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10 juillet 2014

Comprendre la lutte des intermittents du spectacle

En avant première du concert donné par la chorale Mosaïque à l'Espace Paul Jargot le samedi 28 juin, des collégiens nous ont offert une pièce de leur cru. Ils sont encadrés tout au long de l'année par une comédienne professionnelle, Cécile Lafôret.

Piece 550.jpgAuparavant, elle nous a lu, que dis-je magnifiquement interprété, "un mot au sujet de la lutte des intermittents du spectacle".
Le Crollois a décidé de publier ce magnifique texte dans son intégralité.


Cécile Lafôret 200.jpgIntermittent n'est pas un métier, nous sommes danseurs, régisseurs, comédiens, cameraman....
"Nous qui jouons pour vos enfants, vous-mêmes ou vos parents dans la rue, dans les salles, dans vos maisons de quartier ou de retraite sur des grandes scènes, dans vos châteaux, sur vos tréteaux, sous vos chapiteaux, parfois même dans vos hôpitaux, nous qui animons les ateliers théâtre, chant, musique, danse de vos enfants et qu'on trouve toujours quand on cherche des intervenants pas trop chers, pas trop chiants voilà qu'on nous stigmatise : "privilégiés, parasites, fainéants..."
Vous ne pouvez pas vous rendre compte... du temps que nous passons pour nous rendre intéressants réussir telle trille, tel jeu de scène, tel enchaînement un temps qui n'est pour la plupart d'entre nous jamais rémunéré.
Et tant mieux si vous ne vous en rendez pas compte.
Nous ne sommes pas là pour vous montrer notre sueur, nos peurs, nos soucis.
Nous sommes là pour vous faire ressentir des émotions.
Ces émotions qui sont le propre de l'espèce humaine.
Nous sommes là parce que vous et nous sommes humains.

Vous croyez que nous ne nous battons que pour nous ?
Pas du tout avec nous, il y a l'annexe 4, celle des intérimaires et tous les emplois précaires comme les saisonniers. Ce statut d'intérimaire qui est celui qui tend à être développé pour la fameuse flexibilité du travail. Ce statut que certains souhaiteraient voir devenir le statut normal, celui de vos enfants.
Les économies qu'on nous impose nous les avons proposées
mais pas de la même façon.
Nos calculs et nos propositions on les a balayées d'un revers de main, sans les lire.
Les économies que nous proposions étaient pensées pour nous sauver
Mais ce n'est pas la question vous le comprenez.
Croyez vous que la grève nous soit facile quand elle touche ce public auquel nous vouons nos vies, nos compagnies ?
Faire la grève pour nous c'est du suicide au ralenti.
Nous sommes terrorisés rien qu'à devoir l' envisager.

Cécile Lafôret 2002.jpgEn quoi vous concerne cette lutte aujourd'hui ? Quelles conséquences ?
Ce soir je suis devant vous, je fais ce que j'estime être mon métier.
Je ne suis pas payée. Enfin si...par mes indemnités d'intermittente.
On m'a proposé du travail rémunéré pour aujourd'hui. 2 même.
J'ai refusé. J'ai refusé parce que je pense que jouer ici c'est quelque chose de formidable pour ces ados.
Fierté, récompense de leur engagement, reconnaissance, expression de soi. Cela fait parti de ce que je pense être important de leur apporter.
Alors oui, mesdames, messieurs, moi, la parasite, j'avoue, je suis ici et j'aurais pu gagner ma vie honnêtement, comme on dit.
L'avenir sans VOS 243 000 artistes et intermittents, dont seulement 108 000 reçoivent une indemnité ?
Il faudra payer au moins le double pour un spectacle.
Il faudra payer les heures effectivement réalisées, comme dans d'autres pays, plus de temps offert.
Il n'y aura plus autant, si ce n'est plus du tout dans certains cas, d'interventions dans les écoles, les bibliothèques, les hôpitaux et les maisons de retraite.
Lors de vos fêtes de quartiers, pendant vos vacances, il y aura des bénévoles amateurs, souvent très bons, s'ils sont dispos et pas en vacances aussi, s'ils ont du temps et pas au travail, un vrai et vous finirez par toujours voir les mêmes....sauf si vous avez les moyens de payer, bien sûr.

Voila pourquoi nous nous battons.
Pour la liberté, l'égalité et la fraternité.

La France est la France et à une époque l'humain était au centre de ses préoccupations. Une époque où les parachutes dorés n'existaient pas encore il faut dire.
Que votre regard sur notre travail porte le fruit de ces échanges que nous vivons ensemble.
Nous vous souhaitons sincèrement de beaux spectacles et de grands moments d'émotions.

Cécile Laforêt avec l'aimable complicité de l'acteur de rue Pierre Prévost

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