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05 juillet 2014

Digues : apprendre à lire un arrêt du juge administratif

Dans le dernier éditorial du Journal Municipal, notre nouveau maire informe la population que le projet de digue du Fragnès n'est pas remis en cause, que son utilité publique n'est pas contestable, et que de nouvelles études permettront qu'il voit enfin le jour.

Manifestement, il ne sait pas lire un arrêt du juge administratif...

Petite leçon de lecture donc, pour le bénéfice de tous j'espère !


Je profite du droit de courte citation, prévu par la loi de la Presse de 1881 pour extraire de la revue municipale cette phrase totalement abracadabrantesque :

La Cour administrative d’appel de Lyon vient d’annuler l’arrêté d’utilité publique pris par le Préfet pour la construction de la digue du Fragnès. Quelles sont les conséquences de cette décision ?
Sur le fond du projet, il n’y en a aucune. L’intérêt de protéger les riverains du risque d’éboulement n’est pas re
crolles-magazine-43-ete-2014.jpgmis en question. Mais ceux qui souhaitaient empêcher la création d’un ouvrage de protection au-dessus du Fragnès ont joué sur la forme, décelant après des mois de contentieux un vice dans la procédure qui a conduit l’État à la déclaration d’utilité publique. Cela suffit à annuler l’arrêté préfectoral et pourrait remettre en cause des années de négociations, d’acquisitions foncières et d’études préparatoires. Au-delà du temps perdu, c’est aussi une perte d’argent public considérable. Sans compter le montant des aides du fonds Barnier, qui permettait de financer 40 % des travaux, qui pourrait être réinterrogé. Pour autant, notre volonté, dictée par l’intérêt général, n’est pas écornée. Quitte à de nouveau étudier l’ensemble des techniques de protection applicables dans ce secteur. Parce que le risque existe, qu’on le veuille ou non, et que nous devons tout mettre en oeuvre pour assurer la sécurité des habitants.

Les passionnés pourront accéder à l'arrêt de la Cour administrative de Lyon en cliquant sur ce lien : CAA de LYON, 4ème chambre - formation à 3, 30/04/2014, 13LY00784 .

Pour un juriste -je me pique de l'être-, cette décision est un véritable bijou, finement ciselé par des magistrats qui ont dû prolonger leur délibéré pour en peser chaque concept, chaque mot, chaque virgule... Il faut saluer ici le courage des juges de Lyon qui ont décidé d'écarter le droit national pour faire application directe du droit européen : pour cela, la décision sera, à n'en pas douter, commentée dans la presse spécialisée.

Mais là n'est pas le propos : c'est de la communication communale qu'il est ici question... et que retire-t-on de sa confrontation aux faits réels que décrit le maire:

  • ceux qui souhaitaient empêcher la création d’un ouvrage de protection au-dessus du Fragnès  : c'est faux ! Ce n'est pas la réalisation d'une protection au dessus du Fragnès qui était contestée, mais seulement celle d'une digue massive, disproportionnée car dimensionnée pour étendre les zones constructibles, réalisée en pneus usagés sans protection de l'environnement, de surcroit dans une zone soumise au risque d'incendie et riche d'un patrimoine écologique remarquable
  • [ils] ont joué sur la forme : c'est faux ! Des arguments de fond ont également été présentés mais le juge ne les a pas examinés : faisant application d'un principe constant en matière de contentieux de l'excès de pouvoir, il a pu "économiser" les moyens retenus pour annuler l'acte querellé, sans se prononcer sur les autres arguments
  • cela suffit à annuler l’arrêté préfectoral et pourrait remettre en cause des années de négociations, d’acquisitions foncières et d’études préparatoires : c'est vrai ! Encore heureux : lorsqu'une opération est illégale, il faut revoir sa copie, n'en déplaise à celui qui pensait pouvoir foncer hors la loi , expression de l'intérêt général. De la part du premier magistrat de la commune, la remarque est... piquante !
  • le temps perdu : c'est vrai ! Alors que tous les arguments développés devant les juges avaient été annoncés à la commune lors de l'enquête publique, celle-ci et l'Etat se sont assis sur les apports de la participation du public et ont voulu passer en force... Que de temps perdu pour protéger ce qu'il est possible de protéger à faible coût par des équipements légers.
  • le temps perdu : c'est encore plus vrai ! Après avoir perdu du temps devant le tribunal administratif de Grenoble pour perdre une première fois son procès, la commune a fait appel pour perdre du temps une deuxième fois et perdre son procès une deuxième fois.
  • la perte d'argent public : c'est vrai ! Deux procès pour rien avec les frais d'avocats des deux parties à payer, des études à refaire qu'il était possible de revoir à moindre coût il y a dix ans, des terrains acquis pour rien car l'ouvrage massif prévu à l'origine ne verra effectivement jamais le jour. Ce qui coute cher, c'est donc l'entêtement forcené à s'enfoncer dans des procédés illégaux.
  • la perte d'argent public : mais c'est faux ! La plus grande perte d'argent serait la construction d'un ouvrage démesuré, inadapté aux enjeux et au besoin réel de protection de l'habitat existant ; jusqu'à ce jour, les actions contentieuses ont permis d'économiser l'agent public

 

Finalement, est-il exact d'affirmer que sur le fond du projet, cette décision n'a aucune conséquence ?

 

Juridiquement oui : dès lors que le juge n'a pas pris position sur l'utilité publique d'un tel ouvrage, sa décision est sans effet sur la possibilité, pour ceux qui le contestent, d'engager de nouvelles actions contre un projet qui ne serait pas modifié.

 

Politiquement, non, du moins l'espérè-je : la commune de Crolles va-t-elle s'entêter à réaliser un ouvrage de conception totalement surannée, fondé sur une vision de la gestion des risques d'éboulement manifestement dépassée, élaboré en faisant totalement abstraction de l'environnement naturel et sociétal où il doit s'intégrer ?

C'est en revoyant totalement ce projet que la protection du Fragnès pourra effectivement être mise en œuvre : en ce sens, cette décision, au fond, aura eu la conséquence qu'en attendaient ceux qui l'on provoquée ; il ne fait aucun doute qu'en les rencontrant -au lieu de les fustiger dans la revue municipale- le maire pourra désamorcer quelques écueils du projet.

A défaut, la commune doit manifestement se préparer à perdre de nouveau du temps, de l'argent, de l'énergie ... et la belle image de bisounours qu'elle promeut, déjà bien ternie par d'autres affaires tranchées par le juge.

 

Emmanuel Wormser

 

 

 

Commentaires

Bonjour
Je suis une entreprise en Italie interventions spécialisées pour la protection et la prévention, je pense que même vous notre intervention pourrait être très utile.
Rechercher sur le site www.edilverde.it.
Nous avons déjà réalisé des travaux similaires en France.
Pas de ciment.
Pas de pneus.
Pas de fouilles dans l'excès.
Seule la piste verte.

sincèrement Sasha

Écrit par : Sascia | 21 juillet 2014

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