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16 mai 2014

Faut-il vraiment leur confier la sécurité nucléaire française ?

Après l'accident de Fukushima et au moment où la France est confrontée à la douloureuse question de la fermeture de ses centrales nucléaires vieillissantes (notamment Fessenheim) et du stockage des matériaux de leur déconstruction (Cigeo à Bure dans la Meuse, ICEDA dans l'Ain), l'Assemblée nationale a créé le 11 décembre 2013 une commission d'enquête relative aux coûts passés, présents et futurs de la filière nucléaire, à la durée d'exploitation des réacteurs et à divers aspects économiques et financiers de la production et de la commercialisation de l'électricité nucléaire de trente membres, conformément au chapitre IV de son Réglement.

Cette commission est présidée par le député Brottes. Lors des auditions réalisées, celui-ci a fait un rapprochement pour le moins hasardeux entre le risque nucléaire et un risque qu'il connait bien à Crolles: celui des chutes de blocs.

Son intervention mérite d'être analysée : elle interroge sur de nombreux points, particulièrement importants dès lors que le rapport qui suivra jouera un rôle majeur dans les décisions que nos parlementaires prendront en matière de sécurité nucléaire pour les prochaines décennies.


 

 

Quelques 57 auditions ont déjà été réalisées par la commission : il est aisé de consulter leur compte-rendu et même de voir leur enregistrement vidéo sur le site de l'Assemblée Nationale.

assemblee_nationale.jpg

C'est celle de M. Jacques Repussard, directeur général de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) au cours de la réunion du 10 avril 2014 à 16 heures qui a retenu mon attention, parce que François Brottes, à la quarantième de ces réunions, y intervient en mentionnant sa qualité d'ancien maire de Crolles.

On peut en voir la vidéo à cette adresse : vidéo de la séance et en lire le compte-rendu officiel là : compte-rendu de la séance

 

Premier exercice : écouter et lire, pour mesurer l'étonnant nettoyage de certains propos

26063.jpgUn énorme avantage d'internet est la transparence de l'information qu'apporte la mise en ligne brute d'éléments multimédia accessibles à tous. Son énorme inconvénient, pour ceux qu'on écoute du moins, est qu'il met en lumière le décalage entre les propos tenus et leur transcription écrite dans les archives du parlement.

Sans parler de censure, force est de constater que le compte-rendu n'est pas un procès verbal... et certaines âneries proférées en sont sagement éliminées...

A défaut d'un petit dessin clair pour illustrer cette remarque, j'ai transcrit le verbatim intégral de quelques minutes de cette séance -on peut les écouter à 34'17" de la vidéo précitée- où le député Brottes nous parle de son expérience crolloise... et l'ai comparée au texte du compte-rendu officiel :

comparatif.jpg

cliquez sur l'image pour l'agrandir

La différence est flagrante et mérite d'autant plus d'être relevée que les propos "oubliés" sont ceux où la méconnaissance -voire l'incompréhension ?- des questions abordées est la plus flagrante... comme on le voit en remarquant que les propos faux identifiés en troisième colonne ont pour la plupart disparu de la première colonne !

 

Deuxième exercice : analyser les propos tenus

C'est l'objet de la troisième colonne.

cyborg-300x214.jpgLes digues du Fragnès ont largement agité le dernier mandat d'élu local de François Brottes -l'appel juridictionnel de la commune dans le dossier de DUP vient d'ailleurs d'être rejeté, nous aurons l'occasion d'y revenir. Les nombreuses décisions prises dans ce douloureux dossier poussent à croire que le maire d'alors avait bien compris comment avait été élaboré le plan de prévention des risques de Crolles et quels en étaient les tenants et aboutissants.

Force est pourtant d'en douter :

  • l'incompréhension sur la modélisation du risque de chutes de bloc par une approche probabiliste, donc non statistique, est flagrante (pour comprendre la distinction, écoutez Jacques Repussard dans la vidéo à 38'40’’) ; ce point peut-être un peu difficile pour certains fera l'objet d'un article à venir, c'est promis

  • la confusion entre le financement Barnier et les fonds d'assurance Catastrophes naturelles Catnat; s'il est "admissible" qu'un maire "ordinaire" ignore la distinction, ça l'est moins de la part d'un ancien président de l'ANEM (Association Nationale des Elus de Montagne), législateur hyperactif et, surtout actuel président de la commission des affaires économiques à l'Assemblée Nationale

  • l'erreur commise sur le lien entre un plan local d'urbanisme et un plan de prévention des risques

  • la méconnaissance de l'existence d'un aléa "chutes de blocs", antérieur à l'édiction du plan de prévention des risques

  • l'affirmation erronée que des dépenses à charge de la collectivité doivent être prises en charge par les particuliers

laissent ensemble un goût amer.

 

Troisième exercice : tenter de conclure

 

Conclure dans de telles circonstances de fait est chose malaisée, sauf à remettre totalement en cause le fonctionnement de démocratie représentative.

 

pour moi.jpg

 

En premier lieu, pour Crolles, on gagne ici une grille de lecture nouvelle pour comprendre mieux l'énergie déployée par la commune pour mettre en œuvre un projet que son premier magistrat n'a pas compris, à la conception ante-diluvienne, déconnectée totalement de toutes les évolutions doctrinales intervenues depuis 30 ans en matière de maitrise des risques naturels. 

Gageons sur ce point que le conseil municipal renouvelé, malgré sa propension affirmée à revendiquer l'héritage, saura aborder la protection du Fragnès avec un regard plus objectif et mieux fondé.

 

En second lieu, pour la Nation,

  • on reste stupéfait par le rapprochement fait entre les risques nucléaires et les blocs de Crolles, alors que les enjeux sont évidemment incommensurables.

  • on reste pantois qu'un élu du peuple adopte une approche du risque exclusivement assurantielle, financière et capitalistique, centrée sur la seule valeur du patrimoine immobilier. Ses électeurs qui l'ont élu à gauche ont-ils conscience que leur député mène une telle audition en s'intéressant autant aux questions d'argent, sans donner signe d'une quelconque préoccupation pour les souffrances humaines qui seraient générées par un accident nucléaire majeur, heureusement abordées par son invité ?

et finalement, on formule modestement le souhait que sur des sujets aussi complexes que de celui l'avenir de la filière nucléaire, ses risques et ses enjeux, de la production électrique à cout modéré -à court terme- jusqu'à la gestion de ses déchets, les parlementaires avanceront prudemment et sauront prêter aux techniciens qu'ils ont auditionnés une oreille plus attentive que polie.

 

Emmanuel Wormser


 

 

Commentaires

La question essentiel concernant l'obsolescence de certaines structures ...concerne surtout celle de nos représentants.Pourquoi dépenser tant d'argent pour élire une horde d'experts incopmpétents qui s'entourent d'ailleurs d'un nuage de conseillers cires bottes...;dèslors qu'un simple tirage au sort dans la population serait plus efficace.....je me le demande?

Écrit par : colin daniel | 16 mai 2014

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