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14 février 2013

Le processus électoral - Prologue

Prologue : il serait fou d’ignorer la tête !

Les élections primaires organisées en 2011 par le Parti Socialiste ont eu un immense mérite : dire qu’une élection se prépare, que le choix des candidats est un moment décisif dans le processus électoral.

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Je ne peux le démontrer, mais j’espère que vous en êtes convaincu : Hollande arrive en tête, aussitôt la majorité du parti socialiste devient … [social-xx - choisissez les mots qui conviennent, mon propos aujourd’hui n’est pas de critiquer les honorables parlementaires et notre vénéré président]. Montebourg gagne la primaire … et d’autres choix, d’autres orientations auraient été donnés ici ou là. Ayrault est premier ministre, l’ayroport survit encore quelques mois ; un autre est nommé, les champs sont sauvés.

L’explication est simple : nous demeurons un peuple de gaulois, râleurs mais disciplinés, géniaux mais versatiles, prompts à nous approprier l’idée du chef comme vérité qui s’impose.

Dans un autre monde, les élus penseraient par eux-mêmes, délibéreraient vraiment et voteraient en conscience sur les textes proposés. Le choix du président ou du maire aurait alors peu d’importance et nous pourrions privilégier les débats sur le programme, les projets. Hélas, la réalité est dure, cruelle, déplaisante, mais il faut l’affronter. Il y eut les Lumières, l’école obligatoire, les humanités, l’instruction civique et la philosophie au lycée. Certes, tout cela est vrai. Mais le constat ne peut être ignoré. La plupart de nos congénères se font plus volontiers suiveurs que sages ou aventuriers. D’accord pour agiter les idées … quand elles sont validées.

C’est ainsi qu’à Crolles nous vîmes des conseillers municipaux voter par pur mimétisme et cohérence politique sur des dossiers essentiels – en commençant par le budget et le Plan Local d’Urbanisme, réclamer un soir la redevance incitative sur les déchets ou le déménagement de la déchetterie et s’accommoder dès le lendemain de leur abandon, railler la déviation en privé mais la voter en public, s’indigner secrètement contre le cumul des mandats qu’ils supportent pourtant avec constance depuis le premier jour.

Ces pratiques de discipline, de vote bloqué, qui me sont si étrangères et me désolent viennent de loin. Elles étaient dans nos gènes, elles sont maintenant dans la Constitution, article 4 : « Les partis et groupements politiques concourent à l’expression du suffrage ». La 4ème République, que l’on croyait moribonde en 1958, a survécu, et même prospéré. Nous n’avons pas quitté le régime des partis.  

Bizarrement, personne n’a (encore) saisi le conseil constitutionnel pour dénoncer la violation quotidienne de l’article 27, oublié de tous alors qu’il devrait être la pierre qui fonde l’édifice de la démocratie représentative : « Tout mandat impératif est nul. Le droit de vote des membres du Parlement est personnel. La loi organique peut autoriser exceptionnellement la délégation de vote. Dans ce cas, nul ne peut recevoir délégation de plus d’un mandat ».

Observez nos assemblées, nationales ou municipales. Le fonctionnement réel est celui d’une délégation (implicite mais sans faille) quasi-permanente à quelques chefs de file (ministre, président de groupe, …). Seul le masque de la procédure sauve le mythe du vote personnel. La plupart des élus se sont donnés un mandat impératif(*.

J’utilise ici le mandat impératif dans un sens légèrement différent du sens historique, tout en restant fidèle à l’esprit du concept et des lois. A l’origine (cf la note en fin de texte), le mandat impératif est celui donné par les électeurs. Le refus du mandat impératif traduit le choix de la démocratie représentative (au détriment de la démocratie directe). L’idée de base est qu’aucun mandat ne soit s’imposer aux représentants du peuple, ce qui, à l’évidence, est rarement le cas pour les élus appartenant à un groupe politique.

Il faut tirer les conséquences de cette situation. D’abord, ne pas pleurer sur les assemblées, mais élargir le recrutement politique en favorisant les profils aptes à résister aux votes moutonniers. Faisons le pari de la confiance, de l’intelligence et du dévouement à la société : le vote libre est plus utile à l’intérêt général que le vote soumis. Ensuite, toute élection devrait se jouer en deux temps, d’abord des primaires pour départager les candidats à la candidature ou les têtes de liste, ensuite les élections elles-mêmes pour désigner la troupe des élus.

Vous observerez que je ne conteste pas le principe de la hiérarchie – je demande seulement qu’elle ne soit pas anesthésiante, étouffante. Gaulois je suis, je reconnais l’autorité du chef et le mandat de mes représentants. Crollois d’adoption, minoritaire depuis des siècles, je vous invite à faire la magnifique expérience de la liberté de pensée et d’expression. 

Francis Odier, 12 février 2013

Pour aller plus loin, lire « La démocratie / la naissance des Parlements » sur l’excellent site de l’Assemblée Nationale – http://www.assemblee-nationale.fr/juniors/parlements.asp Extrait :

Le mandat impératif : Dans Du contrat social (1762), Jean-Jacques Rousseau se montre critique à l’encontre de la théorie de la représentation, dont il considère qu’elle est une entreprise de destruction de la souveraineté populaire. Rousseau pense en réalité à la représentation au sens de l’Ancien Régime. Les représentants étaient alors titulaires d’un mandat impératif. Ils demeuraient par conséquent soumis aux instructions précises et ponctuelles de leurs mandants, dont ils n’étaient, au premier sens du terme, que les porte-parole révocables. (…) C'est pourquoi, Rousseau n’acceptait pas un tel mécanisme politique qui lui semblait peu compatible avec la souveraineté populaire.

Le mandat représentatif : Le mandat représentatif est celui que nous connaissons dans le système institutionnel contemporain. Selon l'article 27 de la Constitution, " tout mandat impératif est nul " Le fait d’être l’élu d’une circonscription ne fait pas du député l’obligé de ses électeurs. Il est titulaire d’un mandat de représentation de la Nation tout entière, donc du peuple dans son intégralité. (…).

Voir aussi le "mandat impératif" dans http://www.toupie.org/ 

Mon commentaire : dans un régime de partis, les mandants des élus sont en fait les dirigeants des partis. C’est pourquoi je fais le rapprochement entre la situation actuelle et la « représentation au sens de l’Ancien Régime ».

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