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08 octobre 2012

Feu d'artifice de Grand Frais : quand l'application de la loi fait long feu

Titre Grand Frais.jpg

A l'heure où certains commerces de proximité voisins de Crolles rencontrent de grandes difficultés d'exploitation -on dit que certains vont fermer-, les résultats d'une longue enquête dans les méandres de l'administration viennent confirmer que la reconstuction de Grand Frais s'est faite rapidement, très rapidement, au prix de quelques arrangements avec la loi...


Grand Frais lendemain1.jpgLe 31 décembre dernier, ce magasin était dévasté par un incendie, d'origine accidentelle : on aurait tiré des fusées dans une réserve où les contenants entreposés ont formé un carburant idéal....

La reconstruction de l'édifice était attendu par les salariés, les clients...et le propriétaire de l'enseigne. Elle l'était aussi apparemment par la commune qui a décidé de n'être pas trop regardante sur la procédure d'autorisation préalable aux travaux.

En effet, pour engager ce type de chantier, un permis de construire est nécessaire. Il est d'autant plus utile s'agissant d'un établissement recevant du public que son instruction est l'occasion de vérifier que le projet est parfaitement conforme à l'ensemble des règles en matière de sécurité incendie (sic).

Mais qui dit controle de conformité à ces règles dit aussi... instruction (un peu) plus longue de l'autorisation puisqu'une commission ad'hoc doit analyser le dossier du maitre d'ouvrage et préciser, le cas échéant, les dispositions complémentaires que celui ci devra respecter.

Pour accélerer le démarrage des travaux, l'enseigne a donc déposé une simple déclaration préalable, procédure allégée et rapide, adaptée aux menus travaux, totalement dissociée de l'autorisation de travaux spécifique aux établissements recevant du public.

Malheureusement, le code de l'urbanisme ne permet pas -théoriquement- une telle gymnastique, même si une demande d'autorisation spécifique aux établissements recevant du public est déposée plus tard ! Le but de l'articulation imposée par l'article L. 425-3 est évident: éviter que des erreurs de conception portant sur l'ensemble du batiment interdise finalement, alors que son érection est très avancée, son ouverture future au public.

Grand Frais lendemain2.jpg

Pour contourner la difficulté, le propriétaire de l'enseigne a donc déclaré... de simples aménagements intérieurs... et la commune s'est empressée d'accorder sa bénédiction à cette véritable entourloupe : il fallait sans doute sauver Grand Frais !

La manipulation était d'autant plus flagrante que l'état du bâtiment au démarrage des travaux ne laissait planer aucun doute sur la nature du chantier de reconstruction intégrale qui s'engageait, la démolition de certains éléments de charpente encore en place devant même être mise en oeuvre.

La facilité avec laquelle l'autorité compétente avait décidé de fermer les yeux sur l'inadéquation entre procédure administrative engagée et nature des travaux programmés était pour le moins surprenante. J'avais donc engagé un recours non contentieux auprès de Monsieur le Préfet pour que, dans le cadre du controle de légalité des actes communaux qu'il exerce, il mette le holà à cet artifice. La mairie comme le bénéficiaire de l'autorisation en étaient évidemment informés, sans d'ailleurs qu'ils y portent apparemment la moindre attention, trop sûrs de leur coup.

grandfrais.jpgLa réponse préfectorale ne s'est pas faite attendre bien longtemps :

"Au vu du dossier de déclaration préalable, les travaux de reconstruction après sinistre de cet établissement commercial et de la boulangerie de Marie ne comprennent que l'aménagement intérieur , à l'identique, de la surface commerciale existante. (...) Ces travaux ne relèvent donc pas du champ du permis de construire et apparaissent bien soumis à simple déclaration préalable"

Têtu, j'avais adressé au préfet des photos permettant de bien comprendre la nature des travaux mais celui-ci n'a pas donné suite aux précisions apportées. Une demande de communication des échanges inter-services ayant abouti à cette décision étonnante se soldait par un nouveau refus... auquel j'ai enfin pu opposer un avis favorable de la Commission d'accès aux documents administratifs, saisie à cette fin !

 

réouverture GF.jpgLe 13 juin, Grand Frais rouvrait ses portes à grands renforts d'affiches et de publicité dans les boites aux lettres et sur les voitures...

C'est finalement le 16 juillet, un mois après la réouverture de l'enseigne, que j'obtenais satisfaction pour lire, effaré, sous la plume d'un agent en charge du contrôle de légalité -je cite- :

"Il est possible que notre réponse [au recours non contentieux] soit infondée au vu des photographies qui nous sont transmises aujourd'hui. (...) J'ajoute que s'agissant d'une reconstruction à l'identique après sinistre, à même de surcroît de sauvegarder des emplois, ce dossier m'apparaît dépourvu d'enjeux pour l'Etat."

 

Le contrôle de légalité s'exerce donc différemment selon l'enjeu de l'illégalité pour l'Etat !

Pire, l'Etat n'a apparemment pas les mêmes préoccupations en Isère et sur le reste du territoire national : la circulaire du Ministère de l'Intérieur n° IOCB1202426C du 25 janvier 2012 retient justement, au sein des domaines prioritaires du contrôle de légalité, les autorisations individuelles d'urbanisme concernant les ERP !

On apprend aussi dans ces quelques lignes qu'aux yeux de certains, les emplois dans les grandes surfaces valent apparemment plus que ceux des commerces de proximité...

Et puis, il doit désormais être acquis que le contrôle "a priori" de la sécurité incendie, ça n'a aucun intérêt puisqu'un Grand Frais, ça ne brûle jamais.

E.Wormser

Commentaires

Un certain "Zorro" a récemment déposé un commentaire sur cet article.
Nous l'aurions publié avec plaisir si son auteur avait respecté la charte du blog en le signant de son nom: il a au contraire été rédigé sous un pseudo anonyme, en indiquant une adresse mail erronée et en utilisant un site permettant de ne pas laisser de trace IP de son passage.
Nous ne manquerons bien sûr pas de mettre en ligne ce commentaire dès que son auteur aura décidé de respecter une charte qui impose à chaque auteur d'assumer ses positions..
En attendant, un tel courage méritait d'être salué.

Écrit par : Emmanuel Wormser | 23 octobre 2012

Les commentaires sont fermés.