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28 mai 2012

Voies publiques, voies privées : Crolles dans l'impasse ?

Le récent article de Claude Muller publié dans nos colonnes méritait une petite enquête...

A défaut d'élucider précisément le mystère de cette voie désormais fermée à la circulation générale, les recherches engagées par nos fins limiers mettent en lumière de bien étonnantes pratiques locales.

Qu'on en juge !


Voies privées,voies communales, voies ouvertes à la circulation générale

Une voie peut soit appartenir à un ou plusieurs propriétaires privés -en général, les riverains organisés en indivision, en copropriété, en système de servitudes réciproques ou en ASL de lotissement- soit être détenue par la commune ; dans ce cas, elle peut être "privée communale" -c'est le cas des chemins ruraux- ou publique communale -les autres !-.

La qualification d'ouverture à la circulation générale est un simple constat de fait : on peut y circuler librement en véhicules motorisés.

Dans une voie publique communale, la collectivité réalise l'entretien du revêtement, assure l'éclairage, prend en charge la réalisation de réseaux en tréfonds, notamment les réseaux d'eaux usées. Le maire y règlemente librement la circulation et le stationnement.

Dans une voie privée non communale, c'est le contraire... théoriquement, puisque la commune ne doit pas mettre à charge de ses administrés l'entretien et la gestion d'un bien purement privatif, au profit exclusif de quelques uns.

Il existe essentiellement trois procédures permettant de transformer une voie privée non communale en voie publique communale :

  • l'expropriation,
  • l'accord amiable des propriétaires,
  • et le transfert d'office après enquête publique, possible uniquement lorsque la voie est ouverte à la circulation générale, par application de l'article L318-3 du Code de l'urbanisme, dont la constitutionnalité a été récemment confirmée à l'occasion d'une QPC très commentée.

En posant, à l'entrée de leur rue, un panneau qui a surpris certains, les propriétaires de l'impasse des Buis vont pouvoir limiter la circulation des riverains -ça c'est très secondaire- mais surtout interdire le stationnement public devant chez eux et enfin empêcher la commune de transférer cette voie -qu'elle a peut-être entretenue- dans le patrimoine communal.

Pourquoi un panneau maintenant ?

Une double actualité locale pourrait expliquer l'apparition soudaine d'un panneau dans cette rue qui existe depuis des années.

La première est, évidemment, le besoin accru de stationnements lié à l'érection de deux immeubles à proximité : en pleine contradiction avec la réalité d'un quartier ancien où l'étroitesse des voies interdit tout stationnement sur le domaine public, le PLU approuvé par la commune, rédigé à la "va-comme-j'te-pousse", a autorisé dans ce secteur une densification importante du bâti... En prévoyant des règles simplement normales de nombre de places à créer pour les constructeurs mais sans créer de parc public de stationnement à proximité, garer sa voiture pour une courte visite devient un défi. C'est évidemment la densité autorisée qui est en cause ici, puisque l'étroitesse des rues et l'impossible création de transports collectifs rendent absurde la densité et inutile la réalisation de places publiques de stationnement qui ne seraient qu'emplâtre sur jambe de bois !

La seconde tient certainement à l'actualité du Conseil municipal qui semble soudain pris d'une frénésie de transfert de voies dans le domaine public...

Quatre voies transférées récemment !

Force est en effet de s'interroger quand on lit le compte-rendu du dernier conseil municipal du 2 avril 2012 : les propriétaires de l'impasse des Buis auraient-ils été approchés, comme d'autres, par nos élus locaux ? Ce sont en effet quatre voies qui ont été acquises et classées dans le domaine public par quatre délibérations successives du même jour.

Pour la première délibération, il s'agit d'acquérir, le long du tracé de la rue Saint Sulpice, ce que la commune a pudiquement nommé "délaissé de voirie"... au moment même où de gros travaux d'enfouissement et de rénovation des réseaux sont en cours : la commune s'est vraisemblablement rendu compte qu'il était souhaitable -d'aucuns diraient indispensable, mais bon...- de régulariser des empiètements de la voie publique sur des propriétés privées. Là, l'intérêt général n'est pas discutable : sans cette acquisition, les propriétaires pouvaient à tout moment déplacer les clôtures pour clore en limite de leur propriété, réduisant d'autant la largeur de la voie, ou interdire qu'on réalise chez eux des travaux publics... On saluera ici leur esprit citoyen puisqu'ils ont bien voulu nous -le "nous" collectif  des administrés crollois- faire cadeau sans aucun intérêt pour eux -ou alors on le découvrira plus tard- de ces portions de terrain dont ils avaient été expropriés de fait et sans indemnité.

 

rue St Sulpice - cadastre.jpg

(cliquez pour agrandir, extrait cadastral... plus d'infos sur www.cadastre.gouv.fr)

Les deux suivantes concernent des voies sans issue : l'impasse de la Perrade et l'impasse de la Cotinière. Quand on cherche ces rues sur un plan, on peut seulement constater que l'intérêt général d'un tel classement n'est pas évident puisqu'elles sont en impasse -comme leur nom l'indique!- et ne desservent que quelques propriétés, précisément celles de leurs propriétaires avant cette décision...

impasse perrade-coti.jpg

(cliquez pour agrandir, Cotinière en rouge, Perrade en jaune)

La dernière vise aussi une rue sans issue : l'impasse des Martinets.

impasse martinets.jpg

(cliquez pour agrandir, Martinets en bleu)

Sur les deux premières impasses, rien ne vient préciser dans la délibération l'intérêt de cette démarche... Pour cette troisième, une piste -calembour- se dessine : on nous dit que la cession intervient notamment "dans le cadre des travaux de confortement des berges du Craponoz". Ce motif ne tient pourtant pas longtemps à l'examen : une loi ancienne - du 29 décembre 1892 !- permet à la puissance publique de pénétrer ponctuellement dans les propriétés privées pour réaliser des travaux publics d'intérêt général... et le Conseil constitutionnel a même récemment affirmé la régularité de cette disposition dans une autre "QPC".

Mais alors d'où vient cette volonté soudaine d'intégrer dans le domaine public des voies jusqu'à présent privées ?

  • Pouvoir y passer des canalisations pour desservir d'autres terrains ? Difficile à croire au vu de la géographie des lieux.
  • Créer de nouvelles circulations routières pour désenclaver des secteurs mal desservis ? Cette option ne semble pas plus sérieuse.
  • Régulariser des travaux publics passés ayant permis de faire financer par les contribuables crollois des réseaux d'intérêt purement privé ? On n'ose le croire.
  • Permettre le stationnement des véhicules de nouveaux arrivants dans des secteurs où la densification autorisée par le PLU rend la circulation impossible au premier mariage venu ? C'est possible.
  • Prévoir d'autoriser de nouvelles constructions le long de ces voies que leur statut antérieur rendaient inconstructibles à cause d'un article 6* du règlement de PLU particulièrement mal rédigé ? On peut le craindre.

Gageons que, fidèles à la transparence qu'ils professent, les élus qui nous lisent sauront nous éclairer par leurs commentaires avertis : Mesdames et Messieurs, à vos plumes !

 

Emmanuel Wormser


* : l'article 6 du règlement de PLU règlemente l'implantation des constructions par rapport aux voies et emprises publiques. Il dispose particulièrement que "l'implantation des constructions est autorisée à l’alignement ou la limite de fait entre le terrain et la voie et jusqu’à 5 mètres en retrait de cet alignement ou de cette limite de fait." Mais il précise que "les voies entrant dans le champ d’application du présent article sont les voies publiques, les chemins ruraux et les voies privées ouvertes à la circulation générale ainsi que les espaces publics (places….)" : il exclut donc de son dispositif les voies privées fermées à la circulation générale, interdisant de facto -et très maladroitement- toute construction sur les terrains desservis exclusivement par ces voies !

Commentaires

Salut Emmanuel, :)))

Une petite précision sur le commentaire de l'article 6 du PLU présent à la fin de la note qui précise que cet article "exclut donc de son dispositif les voies privées fermées à la circulation générale, interdisant de facto -et très maladroitement- toute construction sur les terrains desservis exclusivement par ces voies".

Cela ne me semble pas être le cas, en l'état de ma connaissance du PLU crollois.

Dans la mesure où il s'agirait d'une voie privée fermée à la circulation générale, cette conclusion aurait pour seule conséquence que voie n'emporterait donc pas application de l'article 6 : son "alignement" serait donc une limite séparative au sens de l'article 7.

En revanche, pour ce qui concerne la desserte et la constructibilité du terrain au regard de l'article 3, un terrain peut parfaitement être constructible en étant desservi par une voie privée non-ouverte à la circulation générale dès lors que le pétitionnaire dispose d'une servitude de passage.

Bien amicalement.

Écrit par : Patrick E. DURAND | 05 juin 2012

oui, Patrick, c'est tout à fait ça.
mais à lire l'intention des auteurs du PLU dans le rapport de présentation, l'article devait s'appliquer partout... tout simplement parce qu'apparemment ils n'avaient pas même pris conscience de l'existence de voies privées ouvertes à la circulation générale susceptibles d'être fermées du jour au lendemain !

Écrit par : Emmanuel Wormser | 06 juin 2012

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